[Spoiler]Depuis que le cerveau des attentas du 11/09 a foulé ses pavés il y a dix ans de cela, Hambourg, carrefour de l'Europe, est devenu un véritable nid d'espions où s'affrontent les différents services de renseignements des principaux pays occidentaux. En ce moment l'objet de toutes les attentions est un jeune tchétchène clandestin converti à l'islam arrivé fraichement débarqué par la mer (Hambourg est un port). L'homme a l'air dangereux, et pour cause, il a une barbe! Trois poils au menton qui vont mettre les services secrets allemands et la CIA (qui l'air de rien touche sa bille) en émois. Mais Günther Bachmann, le chef du contre-espionnage allemand, qui en a vu d'autres, a clairement cerné notre homme : il est d'avantage un homme perdu en quête de paix qu'un dangereux terroriste. Toutefois son cas mérite qu'il s'y intéresse car un juteux héritage laissé par papa dort sagement dans le coffre d'une banque de la ville(on parle au bas mot de 10 millions d'euros donc bon...). Un héritage qui, placé entre les mains d'un certain intellectuel musulman, prédicateur et généreux donateur, pourrait bien lui permettre de démanteler un réseau occulte de financement terroriste. L'intellectuel en question est un agrégé de théologie prônant la tolérance et l'entente des peuples à voix haute mais chuchotant la guerre sainte et qui, au travers d'une société écran présentée comme une ONG, irrigue les différents réseaux terroristes du nerf de la guerre. Cela fait maintenant des mois que Bachmann cherche à le coincer et à remonter la filière quand le jeune homme en question déboule. L'occasion est trop belle et, avec la complicité d'un banquier britannique et d'une avocate éprise des droits de l'homme (il faut au moins ça vous me direz), il lance son opération et dresse sa souricière. Hélas les voies des relations internationales sont impénétrables et la diplomatie a ses raisons que la raison ignore. Si bien qu'au final, l'objectif à court terme prôné par l'intelligentsia occidentale et jugé plus sûr de succès, est préféré au plan audacieux de Bachmann. Goddamn! [Spoiler]
Plus qu'un passionnant jeux de piste, par ailleurs très fluide et lisible, et qu'un état des lieux des relations internationales, le film est avant tout une brillante étude de caractère du personnage de Bachmann, interprété solidement par le regretté Philip Seymour Hoffman. L'homme est en effet complexe et aussi intelligent et charismatique en surface que pourri à l'intérieur. Mais pas d'une pourriture que l'on pourrait qualifiée d'hypocrite ou déloyale, non, d'une bien pire encore, plus pernicieuse, qu'on pourrait appeler la solitude. L'homme est excessivement seul. De filature en filature, de son bureau dans les locaux du contre espionnage ou de celui de sa planque, il supervise et chouchoute son opération comme il devrait le faire d'une femme. Sa conception de la vie privé se résume à une pauvre poubelle en guise de voiture et un appartement aussi vide que son cœur avec des mégots et des cadavres de bouteilles pour le remplir. Évidemment, le parallèle avec son interprète tout juste disparu frappe et remue. Le voir trimballer sa grosse carcasse, sa voix rauque et son visage bouffi par la drogue pour une des dernière fois a de quoi rendre très triste. Le gars était ce qui se faisait de mieux. Il avait non seulement un physique hors norme et taillé pour le métier de comédien mais également et surtout une intelligence exacerbée teinte de mélancolie qui lui permit d'interpréter absolument n'importe quel rôle en même temps qu'elle le tortura toute sa vie.