Encore la découverte d'un cinéaste dont je n'avais jamais entendu parlé et qui signa une douzaine de films en dix ans de carrière. Ce titre-ci semble bénéficier d'un certain statut culte au Japon, ce qui peut se comprendre par son étrange humour noir entre comédie policière et film noir. J'avoue même que 2-3 moments m'ont fait grincer quelques dents avec des une ou deux victimes gratuites et des tentatives de viols proche du burlesque. Il faut dire que le film est vraiment filmé du point de vue des "héros" qui sont loin d'être des anges, n'ont absolument aucune moralité et que Michiyoshi Doi ne porte lui-même aucun jugement de valeur sur leur acte. C'est parfois un peu déstabilisant car des gags potaches et décalés peuvent côtoyer des rares moments plus glaçants.
Mise à part ces petits soucis de tonalités, c'est une très bonne surprise, en partie grâce à sa réalisation inspiré". On est loin de certaines productions un peu bâclées du studio : ici la photographie noir et blanc comme le scope ont excellentes allures avec une réelle gestion de l'espace et un sens du rythme soutenu qui fonctionne beaucoup sur un montage rapide et enlevé. Doi est autant à l'aise dans les pièces de quelques mètres carrés, découpés en succession de plans fixes évitant l'académisme, que dans les extérieurs, repérés avec soin, qui brillent par leurs travellings nerveux. Son sens du tempo et son efficacité donnent un divertissement où tout s'enchaîne vite et l'on ne s'ennuie jamais face à cette bande de bras cassés qui ne peuvent s'empêcher de se trahir les uns les autres en cours de route.
Sur le papier, c'est assez conventionnel (évasion puis règlements de compte entre truands) mais l'approche quasi absurde permet d'apporter un peu d'originalité et d'imprévus à ce canevas rabâché : le (vrai) héros qui maltraitent ses co-déténus en les empêchant de dormir, la chanson qui revient à 3 reprises, les évadés qui volent un camion publicitaire et doivent se déguiser, l'otage qui tombe amoureuse de son ravisseur et qui ne veut pas le lâcher ou encore le brillant montage autour du solo de percussion et la traque d'un des évadés par des villageois.
La personnalité du cinéaste étonne dès le début du film où l'on assiste sans savoir pourquoi à une succession de petites séquences sans rapport les unes aux autres qui montrent chacune un acte criminel (viol, règlement de compte mafieux, trafiquants...) avant de comprendre qu'il s'agissait de la présentation des différents occupants de la cellule où se déroule la première moitié du film. L'occasion de faire connaissance avec les acteurs qui ont vraiment tous la gueule de l'emploi et peuvent se montrer tour à tour ridicule ou inquiétant par leur détermination froide.
Ayant débuté à la Shintoho, le cinéaste aura du mal à se remettre de la fermeture du studio en 1961 et mettra 6 ans avant de trouver un nouveau contrat (à la Shochiku).
Ce titre atypique donne envie d'en savoir plus sur lui mais pour le moment pas sûr que la suite du cycle de la MCJP remette sa filmographie sous les projecteurs. Mais la liste n'est pas définitive. Croisons les doigts !