Un jeu brutal est un film de Jean-Claude Brisseau sorti en 1983. On y suit Christian Tessier (Bruno Cremer) un scientifique reconnu sur la capitale qui doit suite au décès de sa mère, s’occuper dans le Sud de sa fille Isabelle (Emanuelle Debever) qui malheureusement est paraplégique. Mal dans sa peau la jeune fille ne pense qu'à détruire ce qui l'entoure. L’éducation que lui fait subir son père est stricte voire sadique, il met en œuvre un programme d'enseignement rigide, l'emprisonnant et la menace de violences si elle se comporte mal ou refuse d’obtempérer.
Personnage troublant et taciturne, Tessier a perdu ses repères moraux au point d’en être devenu paranoïaque, et d’emblée, on le sait tueur d’enfants. Remontant régulièrement sur Paris, Tessier laisse sa fille aux mains d’Annie, une enseignante qui lui fait les cours à domicile, mais qui fait office également d’aide-soignante pour Isabelle. Profitant de l’absence récurrente de son père trop occupé à tuer des enfants, Isabelle retrouve goût à la vie et semble s’épanouir, l'introduction de ces nouveaux personnages dans sa vie tels que Pascal le frère d’Annie, lui font le plus grand bien et lui font éveiller ses sentiments. Elle découvre la beauté de la nature, la sensualité, la musique, la poésie, mais surtout l’empathie qu’elle repoussait tant.
Il y a un parallélisme violent entre les crimes odieux de Christian en région parisienne et la rééducation apaisée d’Isabelle sous le soleil de la campagne et qui semble désormais heureuse en apprenant à s’aimer. On passe d’un plan où Isabelle est en train de contempler la nature à un autre plan où le père est en train d’observer et de suivre sa victime. C’est le choc entre l’amour et la violence.
La performance de Bruno Cremer est impressionnante de froideur, Emanuelle Deberver au delà de sa beauté sans nom, est d’une douceur rare dans ce film malgré ses colères. Un jeu brutal, c’est la confrontation d’un père et de sa fille qui au début se détestent ne se comprennent pas, mais qui par la suite s’attachent et ne veulent plus se quitter. Cependant, cela est désormais impossible à cause de la folie meurtrière de celui-ci. Je trouve tout naturel d’évoquer Le Boucher de Claude Chabrol tant il y a des similitudes sur le profil du tueur, la manière de filmer les scènes de confrontation entre l’assassin et sa victime, les plans secs où on ne voit pas la mise à mort et surtout la révélation finale.
Un jeu brutal est donc un film légèrement effrayant où rien est prévisible et dans lequel Cremer et Debever sont magistrales, celle-ci qui nous a quitté brutalement il a y quelques semaines nous livrent certainement sa plus belle performance pour le cinéma, cette «critique» lui est dédiée.