La chispa de la vida. Si c’est le titre espagnol de Un Jour de Chance, vous ne savez sans doute pas que c’est aussi un slogan. Et pas n’importe lequel puisque ça a été le slogan de la marque la plus connue au monde pendant 10 ans (en Espagne tout du moins, vous pouvez voir la pub ici) : Coca Cola. C’est un peu comme si un film sortait ici avec comme titre “C’est tout ce que j’aime”. Pour son dixième film, ce n’est pas pour rien si Alex de la Iglesia, réalisateur espagnol de génie, a choisi le slogan de Coca puisqu’il est au centre du film.
Roberto est un publiciste au chômage. Il ne trouve pas de travail, et sa femme et lui commencent à être dans le besoin alors qu’ils ont toujours bien vécu. Personne ne fait attention à lui, personne ne se souvient qu’il a été l’inventeur du slogan ultra connu “La Chispa de la Vida” de Coca Cola, alors qu’il n’était que stagiaire. La Chispa de la Vida… l’étincelle de la vie. Et c’est ce qui manquait à celle de Roberto, où la malchance lui donne Un jour de “chance”. Après un entretien qui s’est mal passé, il décide de partir à la recherche de l’hôtel où il avait passé sa nuit de noce à Cartagène. Problème : cet hôtel a été transformé en musée qui n’a pas encore été inauguré.
Il tombe dans les ruines d’un ancien théâtre romain et s’empale la tête dans une tige de fer, à quelques centimètres de son cerveau, alors qu’une équipe de journalistes s’apprête à y rentrer. S’il bouge, il risque de mourir. Commence alors un véritable tapage médiatique, et Roberto compte bien en profiter pour se faire connaître.
Si Un Jour de Chance est excellent (on vous expliquera pourquoi), il y a fort à parier que le film ne réussisse pas à autant attirer les foules que Balada Triste tant ce film est purement espagnol et d’une certaine façon, beaucoup moins grand public que son prédécesseur. En effet, on a beau dire, la crise nous touche largement moins qu’en Espagne où la situation n’est pas loin d’être catastrophique dans certains milieux, où le chômage augmente et les promesses d’embauches rares. C’est au centre même de cette crise du travail que le brillant cinéaste va mettre ses deux pieds, en y rajoutant en même temps le pouvoir incroyable que les médias exercent. A l’article de la mort, Roberto arrive à se munir d’un agent pour pouvoir gagner de l’argent (par du placement de produit ou des interviews exclusives) et des milliers de spectateurs vont suivre son sauvetage – ou pas (vous le verrez par vous même).
Il illustre régulièrement son propos en n’hésitant pas notamment à comparer son protagoniste avec Jésus sur la croix. Roberto serait alors le messie, l’espace d’un instant. En allant plus loin, on peut même penser que cette image ne montre non pas Roberto comme le messie mais bel et bien les médias qui sont considéré comme des messies et dont la parole n’est pas une seule fois remise en cause. Preuve en est que s’il a bel et bien victime d’un accident, les journalistes y voient -et y indiquent-un suicide. Il n’hésite pas non plus à aller encore plus loin dans son propos en y insérant des éléments passés. On pense surtout à cette phrase choc et criante de vérité “les mineurs chiliens, si plus personne ne parle d’eux, c’est parce qu’ils ont survécu”.
Alex de la Iglesia réussi un tour de force avec sa réalisation comme d’habitude toujours irréprochable, à la fois très intime et voyeurisme. On serait presque mis mal à l’aise parce que, en plus d’utiliser un humour très noir, il n’hésite pas à mettre le spectateur des deux côtés de la barrière : du côté de Luisa, la femme de Roberto, brillamment interprété par Salma Hayek et du côté des téléspectateurs. Mais d’un autre côté, on comprend également la position de Roberto, d’autant plus que ses intentions partent simplement du fait de vouloir sortir sa famille de la misère. Une autre des nombreuses qualités du film est d’avoir un casting incroyable (Salma Hayek et José Mota en tête) mais surtout de livrer un film très dramatique avec des acteurs tous issus de la comédie et de la saga la plus drôle d’Espagne : Torrente, saga malheureusement jamais sorti en France.
Avec Un Jour de Chance, Alex de la Iglesia livre à la fois un film très cru, très vrai et souvent drôle, qui porte un regard assez effrayant du monde des médias, porté par des acteurs de haut niveau. Il montre encore une fois que le cinéma espagnol (et son cinéma) est un peu au dessus de la mêlée