Peinture d'une implacable noirceur (il y a une bonne quarantaine de personnages dans le film, et tous sont pourris, pervers, égoïstes ou simplement pitoyables), "Un Mariage" est encore un très bon Altman, car il réussit - in extremis - à injecter suffisamment d'humanité dans sa cruelle caricature pour que le jeu de massacre ne tourne pas (totalement) à la farce gratuite et méprisante. Frisant l'anarchie et la confusion (Altman a sans doute été trop ambitieux en doublant littéralement le nombre de personnages de "Nashville"), le film reste toujours très drôle (des répliques réjouissantes délivrées par de bons acteurs déchaînés), jusqu'au chaos final qui rétablit une sorte de radieuse clarté. [Critique écrite en 1978]
¨PS : Trente ans après le choc enthousiasmant de sa découverte, à une époque où la liberté de ton et la méchanceté d'Altman définissaient littéralement le cinéma contestataire US, que reste-t-il de "Un Mariage" ?. Ayant littéralement créé un genre, aujourd'hui des plus "à la mode", pour le meilleur et souvent pour le pire, celui du "film choral", Altman reste clairement indépassable dans sa facilité à superposer dans un même film, voire dans un même plan personnages, intrigues et même dialogues : à la différence du film choral moderne, sur-scénarisé, ce qui séduit toujours ici, c'est la joyeux chaos qui règne, un chaos que la mise en scène brillantissime structure toujours suffisamment pour que le plaisir du spectacle ne disparaisse jamais derrière l'acuité de l'observation sociale. Et on réalise que, contrairement à sa réputation un peu facile de cruauté, Altman laisse finalement à ses personnages une porte de sortie, comme dans ce final magique qui voit un magnifique Vittorio Gassman retrouver sa liberté. [Critique écrite en 2007]