Sweet Devotion
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le 27 févr. 2017
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A part Le plus beau (film de propagande assez basique) et Les Hommes qui marchèrent sur la queue du tigre (film de samouraï vite ennuyeux), il me plait bien le Kurosawa à ses débuts, surtout ce film et Je ne regrette pas ma jeunesse. Son style propre est encore à trouver, ici fortement influencé par le néo-réalisme et le cinéma expressionniste, mais l'énergie vivifiante et sentimentaliste de ces deux films est tout simplement irrésistible. Il la déploie à travers un jeune couple qui se retrouve chaque dimanche pour se distraire un peu, leur bonheur ne tenant qu’à un fil, et qui semble être le lot à toute une jeunesse sacrifiée par la situation économique catastrophique d'alors.
Deuxième film de l’après-guerre nippon, c’est à la manière de Capra que le réalisateur nous invite à cette peinture des bas-fonds, en nous montrant la beauté derrière la pauvreté et la misère, sur le rythme d’une musique italienne et d’un montage dynamique. Les deux personnages forment un joli tandem, l’homme incarnant dans la première partie du film le pessimisme gagné par la dure réalité, et la femme l’espoir et le rêve que presque rien n’entame. Mais de situation en situation qu’ils rencontrent de manière imprévisible, cette relation schématique s'effrite, ouvrant des morceaux de vie qui mettent en appétit, où le bonheur est construit à partir de presque rien (participation aux jeux d'enfants, visite d'un appartement sordide que le loueur déconseille avec ironie de prendre, etc.). Une promenade qui se heurte aussi à l'indifférence d'anciens compagnons, à l'inaccessible bourgeoisie, à l'injustice de profiteurs, et surtout à une misère encore plus grande que la leur (incroyable scène du gamin des rues qui ne réagit pas comme tel).
La seconde partie, marquée par le retour précipité à l'appartement de Yuzo figurant l'immobilisme et l'impasse, démarre lentement, mettant l’emphase sur la difficulté existentielle de ces deux amants perdus, et inversant cette fois-ci la relation. Plus que jamais ces sorties sont une fuite nécessaire de la misère qui les attend chez eux. Mais la force du rêve et de l’imagination se taillent un chemin, donnant lieu à des scènes d’un lyrisme très fort porté par un minimalisme des artifices, à contre-courant des divertissements coûteux qu'ils se sont offerts avant, où un simple taudis sur les toits devient un café potentiel, et un amphithéâtre balayé par le vent, un concert classique de Schubert (La symphonie inachevée, un titre pour le moins évocateur). Avant ce dernier moment d’anthologie, la caméra revient brièvement sur le visage de la femme qui lance une invitation au spectateur de rêver avec eux pour que l’impossible devienne possible. Comme le titre de la chanson, à la fin de la journée le couple est entre la joie et la tristesse, car tout est à recommencer. Cette capacité à saisir la beauté au cœur de la misère préfigure bien sûr tout le cinéma de AK, de L’ange ivre à Dodeskaden. Sinon, ça doit être la censure, je ne sais pas, mais les éléments de "chute" du prétendant sont assez ridicules (ça fait partie du charme de ces naphtas) : la cigarette et le sexe.
Bref, inspiré par le cinéma italien et particulièrement celui de Frank Capra, Kurosawa nous offre de beaux morceaux de vie au cœur de la pauvreté de Tokyo avec un brin d’humour et surtout de tendresse. Un film rare dans sa riche filmographie : son unique film de couple !
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Créée
le 26 avr. 2017
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