On accueille toujours l’arrivée d’un film qui traite de son propre métier avec des sentiments contradictoires : la fierté de se voir représenté à l’écran peut rapidement laisser place à l’agacement dans les inévitables raccourcis et poncifs qui nous seront proposés. Dans Un métier sérieux, Thomas Litli s’atèle à décrire le quotidien des enseignants à la manière dont il l’avait fait pour la médecine jusqu’alors avec 3 longs métrages et une série.
On connaît tous le principe en vigueur : dépasser les représentations traditionnelles du fonctionnaire limité à 18h par semaine et gavé de 4 mois de congés par an, pour honorer sa vocation, les difficultés de son métier et son caractère indispensable à la bonne santé sociale. Cette bienveillance irrigue chaque plan, et trouve surtout son point d’équilibre dans l’excellente direction des comédiens, petite troupe en forme d’éventail du cinéma français où le contractuel débutant Lacoste fait figure de pivot. Les situations sont justes, les séances de cours crédibles, et la diversité des profils assez représentative de la réalité. La caméra, souvent en immersion à l’épaule, parvient à trouver le juste point de vue pour donner à voir une structure fourmillante au sein de laquelle chaque unité de classe devient le terrain d’une situation de communication prise en charge par un individu avec plus ou moins de facilité, de spontanéité ou de rigidité. Le parcours du personnage incarné par Louise Bourgoin, excellente dans un rôle de femme terne et éteinte sans jamais avoir perdu son désir de bien faire, est particulièrement bien senti pour ne pas tomber dans l’idéalisme béat tout en saisissant les difficultés de l’enseignement. Sur le plan politique, le film a aussi la délicatesse de rester fin ; sans tomber dans le tract syndical, il explique la complexité du rapport aux autorités, les enjeux en forme de dilemme d’un conseil de discipline, et la formation de professeurs qui se tournent vers les tutos YouTube plutôt que les programmes officiels.
L’idée consistant à insister sur les problématiques inhérentes à un métier qui compose avec l’humain, Litli prend le chemin d’un récit choral, suivant chaque prof de retour chez lui, où une situation en miroir de celle de son établissement l’attend. C’est là que le film trébuche, par la lourdeur d’un programme dramatique un peu trop systématique, pour nous montrer que l’enseignant est aussi parent, enfant, aimant, paumé, divorcé, etc., le tout dans une structure probablement tronçonnée au montage final, et dans laquelle on ébauche des récits sans rien en faire. Quelques scènes mécaniques, des pistes non abouties, des pics dramatiques inutiles (le cours de surf) ne viennent pas pour autant attacher la sincérité générale d’un projet qui sait aussi faire de ces à-coups une matière narrative, à l’image de cette fin d’année et de la rentrée qui lui succède, où tout recommence sans être exactement semblable. Une façon, en somme, de dire la richesse complexe d’un métier où l’on doit savoir garder l’énergie et l’ouverture face au renouvellement constant d’un public éternellement jeune.