Celui qui s’intéresserait aux ailes souillés du papillon pour son aspect giallesque pourrait rester sur sa faim : le film de Duccio Tessari reprend certes les codes et l’aspect mystérieux du genre mais en propose un traitement beaucoup plus didactique. La chasse au détraqué qui tue à la lame rétractable est bien au cœur de son récit, mais il lui sert surtout de prétexte pour montrer tous les partis concernés par une exsanguination maladroite. Police et méthodes scientifiques d’enquête, justice et plaidoiries interminables d’avocats qui se tirent la bourre pour savoir lequel possède le meilleur pouvoir de persuasion, entourages meurtris de la pauvre victime et bien entendu tiraillements dépressifs et âme malade des porteurs de lame, chacun intervient à sa manière dans le récit.


Un tour d’ensemble précis, orchestré avec patience, qui permet de faire d’un papillon aux ailes ensanglantées un film policier complet dont la mécanique du mystère fonctionne. Son final, sans être vraiment inattendu, se laisse tout de même espérer grâce à une narration qui laisse planer efficacement le doute quand à l’identité du salopard qui joue de l’opinel dans les sous-bois. C’est en abusant sans vergogne de flashbacks bien sentis que Tessari compose son histoire, lance des pistes de réflexions et brosse, dans le même temps, un portrait bien noir du mariage et plus généralement de la notion de couple. Si la passion existe, elle conduit à l’irréparable, et lorsqu’elle n’est pas de la partie, c’est un jeu de tromperies vicieuses qui la remplace.


Une intention première de corser l’exercice basique du giallo à saluer mais qui manque un peu de personnalité en matière de mise en scène. Il y a bien quelques jolies scènes (notamment quand la belle Helmut Berger goûte aux plaisirs de l’adultère ou bien la confrontation finale très graphique) mais dans l’ensemble, Duccio Tessari ne s’appesantit pas vraiment sur ses images, le planter de couteau est tristement fadasse.


Fade, c’est ce qui me vient en tête pour caractériser Un papillon aux ailes ensanglantées malheureusement. Le potentiel est bien là, mais à vouloir jouer la carte du réalisme de manière un peu trop pragmatique, Tessari met de côté la mythologie même du giallo : ses lumières habiles, ses corps qui la cherche et ses salopards qui s’éteignent dans leur mystère. En l’occurrence ici, lorsque le générique de fin prend d’assaut l’écran, la réflexion s’arrête, la messe a été dite, un peu trop clairement à mon goût.

oso
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le 24 janv. 2016

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