Le son vient de se couper après les dernières images.
Des dernières images insoutenables encore, qui m'ont fait détourner le regard, pour la 10ème fois au moins depuis que j'ai lancé le film. Un silence de fin, tellement bienvenu.
Je suis encore sous le choc, au point qu'une partie de mon cerveau malade imagine que la pandémie du Covid a été imaginée pour éviter que les cinémas ne diffusent trop largement "Un pays qui se tient sage".
Nous avons une alternance d'images tournées au smartphone sur lesquelles je reviendrai, avec des intervenants dont on ne saura qu'à la fin le nom et la fonction, afin de nous éviter le biais de réception du message. Cette absence d'indications, totalement volontaire de la part du réalisateur, est une invitation à se concentrer sur le discours de la personne qui parle, au lieu d'essayer de valider nos a priori du type: celui là est un gilet jaune, il va réagir comme cela, cet autre est un CRS, il va défendre ses collègues.
Ici, on se concentre seulement sur le message, sans être distrait par un arrière-plan, une musique d'accompagnement ou une tenue. Un exercice de pensée pure, à l'opposé de la distraction permanente imposée habituellement dans nos écrans.
De la même façon, les vidéos filmées par des manifestants, les policiers ou les journalistes, sont absolument là pour montrer, de la manière la plus crue possible, la vérité de ce qui s'est passé durant ces week-ends d'insurrection. Des mains coupées, des yeux crevés nous sautent au visage comme des grenades, de la violence gratuite déferle et l'on se dit qu'il suffit parfois d'être là, au mauvais endroit, au mauvais moment, pour se faire rouer de coups, humilier ou mutiler à vie.
Les extraits de JT de l'époque ou de débats, prennent une toute autre saveur. La majorité silencieuse de l'époque (pas si lointaine d'ailleurs), n'avait pour se forger une opinion que le point de vue des médias généralistes, qui, consciemment ou inconsciemment, jouaient le jeu du gouvernement en pointant les minorités de casseurs et le professionnalisme des forces de l'ordre. Nous avons aussi des extraits d'allocutions de notre président qui deviennent très cruelles pour lui, remises dans le contexte des violences systémiques de la part des policiers et CRS.
Les manifestants ne sont jamais présentés comme des gilets jaunes, car il y a une volonté de sortir de ce mouvement en particulier pour généraliser le sujet à toutes les violences policières commises récemment, en passant par la noyade de Steve à Nantes ou encore le décès de Rémi à Sivens. Bizarrement cela m'a fait penser aux violences sur les Noirs aux USA, et l'on se dit alors que la France n'a décidément de leçon à donner à personne.
Un documentaire qui pousse à réfléchir et à se poser beaucoup de questions essentielles sur ce qui fait -et défait- une démocratie.
Je finirai en citant approximativement mon rayon de soleil dans l'orage de cette soirée, mon coup de cœur Madame Monique Chemillier-Gendreau:
"La démocratie ce n'est pas le consensus, c'est le dissensus. Le jour où tout le monde est d'accord, c'est que quelque chose va mal"