Que la défaite commence
Lorsqu’il sort ce nouvel opus, Andersson compte sur la connaissance de son œuvre par les spectateurs : le carton initial annonce ainsi qu’il s’agit du dernier volet de sa trilogie, et le titre...
le 27 nov. 2020
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Nous n’avions plus signe de vie de Roy Anderson depuis 2007 avec la sortie de l’étonnant et quelque peu perturbant « Nous les vivants ». Logique puisqu’il peaufinait le dernier volet de « la trilogie des vivants » Lion d’Or au dernier festival de Venise. Il y a beaucoup à dire sur « Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence ». Tout d’abord, comme c’était déjà le cas pour « Nous les vivants », le visuel l’emporte, avec ses plans fixes à la Hopper (en base vert de gris délavé toutefois) et ses nombreuses autres références picturales, une scénographie aux détails ciselés façon orfèvre (splendide direction artistique niveau décors, costumes, accessoires…) et un nombre impressionnant de « gueules », personnages atypiques, cocasses, souvent émouvants dans leur attitude et cherchant toujours désespérément à travers une fenêtre un meilleur. A ce niveau, point de faille, le film est une parfaite réussite. Le tout est mis au service d’un humour passablement surréaliste (le fantôme et la liberté de Bunuel planent sur le film jusqu’à réinterpréter la fameuse scène du repas/théâtre du « Charme discret de la bourgeoisie »), tantôt grotesque, ou encore grandguignolesque. Le découpage du film repose sur le lien ténu qui associe ces deux pauvres hères, marchands de farces et attrapes. Il est surtout le prétexte à juxtaposer un ensemble de scénettes qui prises séparément peuvent déconcerter, mais forment un ensemble cohérent et glaçant. Car le rire, ici est subversif. Il masque ou allège, selon notre degré d’implication dans l’œuvre, un pamphlet redoutable contre l’individualisme et les humiliations quotidiennes que chacun subit, que l’on soit puissant ou misérable. Et le film va crescendo dans ce sens passant de l’individu (la danseuse de Flamenco, le capitaine-coiffeur, la bière du mort, nos deux compères…) à une diatribe qui se veut beaucoup plus sévère contre un pays qui vomit encore ses zones d’ombres du passé (le roi Charles XII, véritable Napoléon scandinave qui a conduit la Suède à sa perte, l’esclavagisme et sa compagnie suédoise d’Afrique, ou encore le nazisme…). L’un des protagonistes, à l’image de tout suédois ( ?), déclare dans le film qu’il a participé à ça… et pleure sur ce remord. Anderson est un malin… Son « Pigeon », omniprésent d’ailleurs, dérangera (il suffit de lire les citriques spectateurs ou presse), mais il passe outre. Le principal pour lui est d’exprimer son ressentiment, son point de vue et pour ce faire, il y met les formes et épice la noirceur du propos d’un rire méchant transformant son film en une expérience cinématographique passionnante !
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le 6 mai 2015
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