"Un pont trop loin" : voilà un titre qui en dit long, surtout quand on sait que nous avons là un film de guerre à caractère historique. Cependant, pour les spectateurs qui ne connaissent pas ni le film, ni l'Histoire, et qui se refusent à lire le synopsis, pour qui ce fameux pont est-il trop loin ? En se lançant dans le visionnage, ils comprendront très vite.

On peut reconnaître le mérite et le courage de Richard Attenborough pour avoir osé porter à l’écran une période moins glorieuse des Alliés, refusant de tomber dans la propagande élogieuse lancée par de nombreux réalisateurs et scénaristes en la seule faveur de conter les nombreuses victoires emportées aux dépens des troupes d’Hitler.

Après une brève implantation du contexte narrée en voix off sur des images d’archives, l’opération est présentée en demi-heure/trois-quarts d’heure, à l’image du temps de préparation de l’offensive, très courte. Puis on entre dans le vif du sujet.

Comme à son habitude, le réalisateur a employé les grands moyens, que je qualifierai de comparable au film "Le jour le plus long". La similitude commence par le casting, incroyable, réunissant des acteurs figurant parmiles plus grands noms. Jugez-en plutôt : Dirk Bogarde, Sean Connery, Robert Redford, Anthony Hopkins, James Caan, Michael Caine, Gene Hackman et j’en passe, et tous figurent sur l’affiche du film. La similitude se poursuit dans la reconstitution historique, par un beau panel d’uniformes, mais aussi par le grand soin apporté aux décors. On voit les stigmates d’une guerre fratricide se développer dans des villes apparemment pas ou peu touchées par le conflit, laissant place à un décor apocalyptique avec des pans de murs entiers qui s’effondrent au passage des tanks qui doivent coûte que coûte se frayer un chemin. Pour les bâtiments qui restent miraculeusement debout, on les voit se faire transformer peu à peu en gruyère, plus ou moins étêtés par les obus.

Malgré son millésime, les effets visuels de "Un pont trop loin" demeurent d’excellente facture. La pyrotechnie est maîtrisée, et est surtout en rapport avec la qualité des munitions d’alors. Dire que le film a vieilli reviendrait à dire que les armes utilisées durant le conflit ont vieilli. C’est justement cet aspect légèrement suranné qui fait le charme et la relative crédibilité de tels films. Par exemple, nous ne pouvons qu’être admiratifs devant la capacité à déployer autant de forces aéroportées, tel un infranchissable banc de méduses. Mais c’est bel et bien le chant des canons qui constitue le moment le plus impressionnant, dès lors qu’il s’agit de réaliser des tirs de couverture pour favoriser la progression des forces armées. La mise en scène ressemble à une orchestration millimétrée, et la qualité de la bande son reflète la force de frappe mise en œuvre.

Diverses nations sont impliquées dans une même opération, offrant du même coup un panel très varié de personnages à la psychologie très différente les unes des autres. Ainsi on n’échappe pas à quelques clichés comme le raffinement britannique présent en toutes circonstances, l’américain courageux avec son cigare vissé à la bouche, ou encore le polonais taciturne et bourru.

"Un pont trop loin" est donc une réalisation pour laquelle Richard Attenborough a dépensé sans compter (sa sempiternelle réplique dans "Jurassic Park" en tant qu’acteur), afin de nous offrir un grand spectacle tout en avouant que, même si les troupes alliées ont eu finalement raison assez rapidement de la coalition allemande à partir du D Day, tout n’a pas été rose, loin de là. Certes il y a eu beaucoup de victoires, mais il y a eu aussi quelques revers, inévitables : on n’a pas vaincu comme ça en un claquement de doigts une armée qui a tenu une grande partie l’Europe sous son joug durant cinq années…

Malgré une fin qui semble inachevée, "Un pont trop loin" est donc une bonne reconstitution, emmenée avec talent par Richard Attenborough. La mise en scène haut de gamme, à laquelle on rajoute l'excellente prestation de tous les acteurs, mais aussi la grande qualité de la bande son, très immersive, ainsi que de la photographie, permettent d'emmener le spectateur dans l'enfer de l'opération Market Garden.

Stephenballade
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le 3 juin 2024

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