"Un pont trop loin" dans la représentation de la seconde guerre mondiale au cinéma est un oiseau rare tant par sa qualité que par son objet même. En effet, dans toute ce charivari de films, très peu nous présentent la seconde guerre de cette façon. L'on trouve certes quelques autres paradisiers des salles obscures mais beaucoup ne font que se servir de la seconde guerre en particulier pour ne traiter que de la guerre en général, il s'agit souvent non pas de films de guerre mais de films sur la guerre, et ce n'est pas la même chose. L'on citera par exemple Croix de fer de Pekinpah ou encore Stalingrad, celui de Joseph Vilsmaier, le vrai en somme. "Un pont trop loin" est un paradisier des salles obscures en ce qu'il présente une défaite et la manière qu'eurent certains de s'y complaire en dépit de tout bon sens.
Basé sur le livre de Cornelius Ryan, journaliste célèbre pour ses romans populaires d'Histoire militaire, "Un pont trop loin" bénéficie donc d'un matériaux de base rigoureux, de la même veine que celui qui servit à la réalisation du film "Le jour le plus long", autre grand nom au casting immense. Un pont trop loin débute donc lors préparation de l'opération Market Garden et s'achève à sa fin et de minute en minute l'on peut voir le grand plan génial dessiné sur carte s'effondrer comme un château de sable. "Un pont trop loin" c'est l'histoire de généraux alliés tellement enivrés de leurs débarquement réussis en Sicile et en Normandie, grisés par la reconquête de la France (ils auront vite tirés un trait sur les erreurs commises autour de la poche de Falaise manifestement), tellement persuadés de la fin proche de l'armée nazie qu'on rêve de mettre fin à la guerre pour Noël 1944. Les allemands sont épuisés et tout ce qu'on pourra retrouver sur le champ de bataille sera composé de jeunesses hitlériennes et de vieillards. À ce titre une reconnaissance aérienne rapportant la présence de blindés très proprement camouflés et impeccablement rangés à deux pas des zones d'atterrissages des parachutistes est négligeable, le fait qu'on soit contrait à une percée de cent kilomètres en trois jours sur une unique route (et donc un axe prévisible) ne semble gêner personne.
Les défaillances s'accumulent et à peine à terre, parachutistes anglais et américains tombent sur des chars, sans pour autant disposer de véritables armes antichar, le fameux XXXième corps blindé, évoluant sur une mince route, se retrouve à devoir forcer le passage à grands coups de canons. Elle était belle l'armée allemande effondrée sans carburant et incapable de combattre.
Servi par une excellente bande son, "Un pont trop loin" balaye l'opération market garden de bout en bout, dans les Etats-Majors, au sein du XXXième corps, des deux célèbres divisions de parachutistes américaines, de la première division parachutiste britannique, coincée dans la ville d'Arnhem et enfin de la brigade parachutiste polonaise et de son saut. . . Sur une zone tenue par des troupes allemandes, un carnage. Le film, loin de faire des concession est forcé, puisqu'il présente une défaite, d'être moins manichéen que ses concurrents, ce qui est d'autant mieux pour ce film tardif sur la guerre.
Fresque de grande ampleur, "Un pont trop loin" s'est vu affubler d'un casting digne de son cousin "Le jour le plus long", avec une panoplie d'acteurs anglais campant tous très bien leurs rôles respectifs, on a même du mal à en reconnaître certains, et puis Gene Hackman est très bien en polonais, tout comme Sean Connery. Scènes d'action fort bien filmées à l'image de cet assaut fluvial mené par Robert Redford, impitoyables passages remettant des pendules à l'heure tel ce char allemand traversant les lignes anglaises d'Arnhem sans grand mal ou encore la préparation d'artillerie alliée précédant la marche du XXXième corps blindé. Richard Attenbourough a fort bien rempli sa mission et réalise là un film sans temps mort, la mise en scène, classique, passe bien et le film vieillit bien, notamment dans ses scènes d'action, chose rare dans nombre de films récents.