Un jeune officier de la marine marine marchande britannique est engagé par une compagnie belge afin de renouer le contacte avec, Kurtz, le directeur d'un comptoir colonial faisant commerce d'ivoire en amont du fleuve Congo, dont on est sans nouvelles depuis plusieurs mois. Partant de la côte, Marlow et son navire poussif s'enfoncent dans l'intérieur du continent africain, remontant le fleuve Congo.

Lentement mais sûrement, Conrad entraîne lecteur dans les arcanes d'un monde révolu mais dont les suite se font parfois encore ressentir, et, avec adresse, entreprend de faire sauter le fin verni qu'est notre vision de la civilisation, vision qui perd tout sens une fois sortie de son confortable cocon et transportée dans la réalité coloniale de la fin du XIXième siècle ; jusqu'à nous amener au coeur des ténèbres, à Kurtz, icône du Mal dans tout ce qu'il a de plus fascinant et de plus inquiétant, personnage ambivalent dont le raffinement semble être le summum des travers de sa société dont il est issu. Conrad, à travers ce roman, détruit le mythe colonial (et son idéologie) à coups de canons délicieusement tournés.

Kurtz, forme de pont entre deux mondes, est un personnage double, à la fois européen et africain, à la fois sauvage et civilisé et réciproquement. Car si le coeur des ténèbres est peuplé de sauvages, il n'en demeure pas moins humain, et la côté, là d'où viennent les civilisateurs est peuplée d'autant de non sens (du moins d'un certain point de vue) que l'intérieur (l'on retiendra ce navire français, à l'équipage presque décimé par la maladie, tirant sur on ne sait quoi depuis la côte, au service d'une fin obscure, complexe, et incompréhensible), blanc sur les cartes et pourtant si sombre dans son quotidien.

Entre puritanisme anglo-saxon et désillusion locale, entre idéalisme civilisateur et rapacité, le temps, dans le monde du lecteur, ne s'écoule pas à la même vitesse qu'à l'accoutumée lorsqu'il remonte le fleuve, interminable, en compagnie de Charles Marlow et, lorsque l'on sort du roman, l'on est surpris de constater que la lumière dehors n'est plus la même, qu'il fait... Noir.
The_Dude
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le 5 nov. 2010

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