⚠️ Une maintenance est prévue ce Mercredi 4 décembre de 9h00 à 13h. Le site sera inacessible pendant cette période.

Se lancer dans Au Cœur des Ténèbres, c'est accepter d'embarquer pour un voyage dont on ressortira forcément changé, que cela soit à un degré violent ou imperceptible, de l'exacte même manière que Marlow - héros et narrateur - sera transformé, ligne après ligne - semaine après semaine.

Car Heart of Darkness c'est cela : un point de départ, puis une longue et fascinante plongée dans les ténèbres, jusqu'à un point d'arrivée fondamentalement différent, quand bien même identique en termes d'unités de lieu ou de personnage.

Longue d'abord, car l'épopée de Marlow, sa quête insensée - et il le sait - durera des mois, des années même. Combien exactement, on ne le sait pas. Conrad, en véritable prestidigitateur des Enfers, manipule le temps et l'espace à sa guise, et on se retrouve régulièrement perdus dans l'aventure, à l'image des personnages égarés sur ce continent et cette jungle auxquels ils n'appartiennent pas, qu'ils ne comprennent pas. Le narrateur pourra ainsi très bien marcher en pleine jungle le long d'une phrase, et se retrouver - à la faveur maximale d'un passage à la ligne - des mois plus tard dans un campement de fortune.

Conrad joue ainsi avec le lecteur, le manipulant à sa guise, lui montrant qu'il ne contrôle pas plus le récit que les hommes ne contrôle une quelconque situation sur place. Et c'est part de la fascination qui émane de Heart of Darkness.

Car s'il y a bien une sensation que provoque ce livre, c'est celle-ci : la fascination. On reste interloqué, de longues pages durant, sans réellement comprendre pourquoi. La forêt nous étouffe littéralement, l'ambiance de mort et de folie constante nous aliène, la maladie nous ronge et l'air nous suffoque. Chaque description, tels les allers et retours d'une faux dans l'obscurité, arrache définitivement un bout d'humanité. Chaque mot est pesé, chaque phrase lourde de sens et de signification.

Je me souviens au cours de ma lecture avoir pensé que ce livre pourrait sans aucun doute à lui seul rendre fou un homme, en l'étouffant petit à petit, l'atteignant moralement, dans son intégrité et ses convictions qui, selon l'importance qu'elles accordent aux notions de civilisation et d'humanité, pourraient s'écrouler en l'espace d'une phrase.
Alors au final peu importe si le dernier quart - fin exclue - m'a légèrement déçu de par la faible présence de Kurtz rapportée à son importance ; car à l'image de ces nègres blessés et épuisés se regroupant sous un bosquet à l'ombre rafraîchissante - longeant un ruisseau scintillant à l'allure idyllique - avec pour ultime but de mourir entre eux avec sérénité, mais pas moins dans un véritable charnier, Conrad signe ici une œuvre captivante de part sa morbide magnificence, dont il est difficile de détacher les yeux quand bien même ce qu'on y voit nous horrifie.
VGM
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Livres lus en 2014 (avec commentaires) et Bilan littéraire 2014

Créée

le 2 avr. 2014

Critique lue 1K fois

20 j'aime

16 commentaires

VGM

Écrit par

Critique lue 1K fois

20
16

D'autres avis sur Au cœur des ténèbres

Au cœur des ténèbres
Alexis_Bourdesien
9

Vous n'en sortirez pas indemne

Tout le monde, à part peut-être les ermites ou les habitants du Tadjikistan, connait le chef d’œuvre de Francis Ford Coppola, le fabuleux, l’incontournable, le majestueux, Apocalypse Now. Mais peu,...

le 24 avr. 2014

49 j'aime

9

Au cœur des ténèbres
The_Dude
10

Critique de Au cœur des ténèbres par The_Dude

Un jeune officier de la marine marine marchande britannique est engagé par une compagnie belge afin de renouer le contacte avec, Kurtz, le directeur d'un comptoir colonial faisant commerce d'ivoire...

le 5 nov. 2010

39 j'aime

1

Au cœur des ténèbres
VGM
9

Hurt of Darkness

Se lancer dans Au Cœur des Ténèbres, c'est accepter d'embarquer pour un voyage dont on ressortira forcément changé, que cela soit à un degré violent ou imperceptible, de l'exacte même manière que...

Par

le 2 avr. 2014

20 j'aime

16

Du même critique

Rayman Legends
VGM
9

La meilleure déception de l’année

Mon attente sur Rayman Legends a soufflé le chaud et le froid. D’abord ébloui par un premier trailer leaké, puis refroidi par des annonces marketing totalement illogiques sur l’exclusivité Wii U,...

Par

le 4 sept. 2013

69 j'aime

19

Le Meilleur des mondes
VGM
6

Pas la meilleure des lectures

J'ai tellement de livres à lire, et tellement de classiques à emprunter à droite à gauche que je suis rentré depuis maintenant un bout de temps dans une phase où je n'achète presque plus de livres,...

Par

le 3 févr. 2015

64 j'aime

16