Ce film, c'était toute mon enfance. J'ai passé tellement de temps à le voir et à le revoir, encore et encore... A me prendre d'un amour éperdu pour des personnages tous plus charismatiques les uns que les autres, et pour un univers qui me fascinait plus que tout. Alors j'avais peur, peur de le revoir, peur de me rendre compte qu'en fait c'était nul, qu'en fait ce n'était qu'un cartoon idiot pour enfant en bas âge, peur d'être déçu en somme, forcément... Mais, poussée par une bienveillante étoile nostalgique, j'ai ce soir fini par vaincre cette peur.
Et alors là, à peine le film lancé, les souvenirs. Le 4/3 déjà, et puis la pate artistique, inimitable. Ces gouttes d'eau qui dégoulinent au sein de la feuille ensuite, mais aussi ces paysages désertiques visuellement extraordinaires, ces empreintes dans la terre, cette nuit gelée, ce lac profond et mystérieux, cette bataille épique et son atroce issue, ces moments de joie, de tristesse, de solitude... tout, tout, tout. Chaque détail n'avait en réalité jamais été oublié, chaque détail était là, dans un coin de ma mémoire, prêt à être réveillé le moment venu...
L'émerveillement, nostalgique ou non, a donc prédominé lors de cette redécouverte. Encore de nos jours, les dessins et la bande audio nous transportent, nous font voyager, et nous impliquent incroyablement émotionnellement dans cette aventure.
Mais l'effet destructeur ne vint qu'après, une fois le superbe générique de fin achevé. Je suis alors resté tétanisé. Je ne pouvais juste plus bouger, plus rien faire. Je me sentais à nu, à découvert, faible, redevenu enfant, revenu 20 ans en arrière.
Car c'est plus que de simples souvenirs que ce nouveau visionnage a réveillé. Je vais tenter de décrire l'indescriptible via un exemple simple, que vous ne trouverez sûrement pas percutant.
Imaginez que, dès que vous vous emparez d'un crayon et vous mettez à gribouiller un dessin banal sur votre cours en amphi (ou n'importe où ailleurs), et que ce dessin devient (on ne sait pourquoi) arboricole, imaginez alors que vous dessiniez toujours les feuilles de la même façon. Sans explication, c'est comme ça depuis toujours, c'est tout. Imaginez que, l'espace d'une seconde, d'un flash, vous compreniez tout. Autre exemple : imaginez que, aussi loin que remonte vos souvenirs, vous soyez irrémédiablement attiré vers les bosquets verdoyants, et que vous n'êtes nulle part aussi bien qu'engoncé dans un nid douillet, entouré d'un cercle hermétique. Imaginez que, l'espace d'une scène, vous compreniez, que votre cerveau fasse des associations implicites, que des questions que vous ne vous êtes jamais posées trouvent un sens immédiat et naturel, sans même y songer.
Imaginez que certains éléments de votre vie sur lesquels vous ne vous étiez jamais questionné prennent soudain un sens.
Que vous le vouliez ou non, il y a de ces œuvres qui vous marquent à vie, qui vous sont fondatrices, et qui ont en partie fait de vous ce que vous êtes. "Petit pied" en fait pour moi définitivement plus que partie.
J'avais donc peur de la déception. Que je fus fou ou naïf peu importe, mais j'aurais au final mieux fait de me méfier d'autre chose. Tout ceci est bien évidemment personnel, un ressenti fortement lié à ma vie personnelle, mais qui suffit à faire passer cet excellent dessin animé au stade de chef d'œuvre ultime, duquel il ne redescendra sûrement plus jamais. Il m'aura aidé à trouver ma Vallée des Merveilles à moi, en somme.