La meilleure déception de l’année
Mon attente sur Rayman Legends a soufflé le chaud et le froid. D’abord ébloui par un premier trailer leaké, puis refroidi par des annonces marketing totalement illogiques sur l’exclusivité Wii U, ainsi que par mon hands-on sans conviction au Paris Games Week 2012, je fus ensuite bien plus enthousiasmé à l’annonce de versions consoles/PC, autant de versions « normales ».
On nous a ensuite promis monts et merveilles, avec 120 niveaux, plein de mondes, des défis multijoueurs mis à jour de manière journalière, des mini-jeux, bref, pour reprendre les termes d’Ubisoft à l’E3 : « The Biggest Rayman ever ». Et là, fan historique de la franchise que je suis, c’est à ce moment que je commence à mourir d’impatience.
Côté contenu, je m’imaginais donc un jeu solo encore plus consistant que celui d’Origins, déjà fort d’une vingtaine d’heures en first run et d’une grosse rejouabilité, avec en parallèle une sorte de Rayman M 2D, bardé de défis tous plus funs et plus délirants les uns que les autres. En un mot : la synthèse parfaite entre aventure solo et délire multi.
Et c’est sur ce point que la déception fut la plus violente. En termes de jeu solo, il m’aura à peine fallu une dizaine d’heures pour atteindre les crédits du jeu, sans me presser bien au contraire, tout en maxscorant la plupart des niveaux sans difficulté aucune. Cinq heures de plus, et tous les niveaux Invasion, ainsi que le monde bonus, étaient à leur tour pliés. Et les 100% ne sont donc d’ores et déjà presque plus qu’une formalité.
Cela est principalement dû à deux composantes :
- Déjà, le jeu est d’une facilité déconcertante. Pour quelqu’un qui comme moi a passé plusieurs dizaines d’heures sur Origins, et donc maîtrise plutôt correctement le gameplay, jamais, je ne dis bien jamais au cours de l’aventure principal, je n’ai été mis en difficulté. Ceci est principalement dû au nombre aberrant de checkpoints qu’on dirait tout droit sortis de chez Crystal Dynamics (bon heureusement y’a pas un gros texte dégueux qui clignote à chaque checkpoint hein).
Origins était divisé en sections, et offrait très rarement des checkpoints au sein desdites sections. Depuis, l’Ubi Art Framework a été optimisé, et ainsi les sections sont devenues rares, voire inexistantes sur certains levels. En résulte un abus de checkpoints, et plus aucune mort ne devient punitive. Quel risque y a-t-il à tenter de récupérer un item quand on sait qu’on réapparaîtra juste devant ? Même les niveaux musicaux, très courts, comportent entre 5 et 10 checkpoints chacun, le comble du comble…
Autre raison de cette facilité, le système de scoring a été modifié en un nouveau système intéressant, mais qui inclue la disparition des Roi Lums. De par sa nature même, cette disparition, couplée à la prolifération de lums, rendent le scoring bien plus simples. Dans Rayman 2, il y avait 1000 lums jaunes. Dans Origins, environ 400 par niveaux (~24K en tout). Dans Legends, on passe à 700-800 par niveaux !!! Le maximum requis étant souvent autour de 500…
- Ensuite, les 120 niveaux vantés, c’est un peu du foutage de gueule, du genre royal. Là-dedans, ils comptent une quarantaine de niveaux remasterisés d’Origins. C’est super comme bonus, mais comme BONUS. Si ça fait partie du jeu principal, et c’est le cas, c’est moins amusant… D’autant plus qu’eux aussi ont été casualisés. Je pardonne aisément la facilité du scoring (vu qu’ils gardent le système de Legends) là où certains niveaux étaient une horreur à scorer, je pardonne bien moins le fait d’enlever certains pièges où certaines sections difficiles. Une médaille de la mort au milieu d’un piège horrible ? Houla, c’est un peu dur ça. Bon allez les gars, on enlève le piège, mais on garde la médaille ! Sérieusement quoi. Bon, au moins ils ne nous ont pas rajoutés de checkpoints.
Et non content de compter les niveaux d’Origins, les 120 levels comptent aussi les niveaux Invasions, qui remplacent les Time Attack, et sont des niveaux très bien étudiés à débloquer et à terminer en moins de 40 secondes, ce qui est des fois très tendu.
Côté multi, pas de défis compétitifs en local à la Rayman M, ni coop en ligne, ni défis originaux. On peut en revanche compter sur 4 types de défis (jour, semaine, casse-cou jour, casse-cou semaine), où se mesurer à ses amis (enfin à leurs fantômes) devient vite l’intérêt principal. Très jouissif au départ, j’y ai passé de nombreuses heures… les deux premiers jours. En effet, si on peut espérer (y’a intérêt même) un renouvellement des défis au cours du temps, pour l’instant c’est juste toujours la même chose, toujours les mêmes niveaux, la plupart des épreuves ayant de plus été montrée dans le tout premier trailer. En sus, il n’y a aucune différence entre les défis normaux et les défis casse-cou, ils pourraient s’interchanger que personne ne remarquerait rien. Bref, si j’ai surkiffé les deux premiers jours de défis, depuis je m’ennuie sévèrement dessus…
Dernière chose négative à noter, au niveau des personnages et des costumes disponibles, vu la mythologie de la série, ils ne se sont une fois de plus pas foulés… Allez hop, un seul nouveau personnage, refilé en 15 exemplaires, et quelques nouveaux skins que beaucoup ne verront pas, les vrais nouveaux étant les plus longs à débloquer.
Bon, voilà, on a fait le tour des points (très) décevants de ce Rayman Legends. Mais comme vous l’avez sûrement vu en cliquant sur cette critique, je ne lui ai pas mis une mauvaise note, je lui ai même mis un putain de note complètement huge auxquels peu de jeux accèdent. Et ça, ça mérite des explications aussi.
D’abord, si le level design était déjà excellent dans Origins, il atteint un nouveau sommet dans Legends. Après un premier monde frénétique et sympathique, mais pas forcément à la hauteur de mes attentes, le monde 2 décolle, et on atteint selon moi des sommets d’inventivité et de génie dans le troisième tableau. On passe d’idées géniales en idées géniales, et même le niveau musical est selon moi le meilleur de tous. C’est bien simple, certains de ces tableaux, certaines de ces idées me marqueront à vie, c’est d’ores et déjà une certitude. J’y repense déjà avec nostalgie alors que ça ne fait que 12 heures que je n’y ai pas touché…
Le monde 4 mixe contemplation et level design pour un résultat tantôt extra, tantôt juste sympathique, un peu à l’image des deux suivants. Concernant le dernier monde (le bonus), décevant de prime abord pour son contenu, il se révèle en fait être une véritable perle, à la hauteur de la Lande aux Esprits Frappés d’Origins. Dénué de tout checkpoint, bardé d’un challenge agréable, d’une musique extraordinaire et d’idées de génie, ce monde m’a rappelé ce qui m’avait fait mettre 10 à Origins. Parallèlement, il fait d’autant plus regretter le manque de challenge du jeu de base.
A noter aussi que les tableaux Invasion comportent eux aussi leur lot de challenges et de level design énormes, ce qui est un gros plus. En fait, on se rend compte que le challenge se trouve après les crédits, dans le dernier Monde et les Invasions. C’est très agréable, même si un tantinet dommage quand même.
Ça c’était pour le level design, qui va de pair avec les différents mondes, issus des contes et légendes, qui savent des fois furieusement vendre du rêve. Mais avec ces mondes vient la seconde grosse tuerie du jeu : la musique. Les partitions de Christophe Héral et de Billy Martin, non contentes d’égaler celles d’Origins, les dépassent régulièrement. Inventivité, bonne humeur, instruments multiples, chants délirants, l’ambiance se retrouve réellement transposée par la bande originale du jeu. Le point d’orgue arrive des fois lors des niveaux musicaux. Pensez donc : Héral et Martin composent une mélodie de trois à cinq minutes, puis ils la donnent au level designer, qui en font quelque chose d’énorme et d’adapté. Ce n’est alors plus la musique qui est au service du jeu, mais le jeu qui est au service de la musique. Pour un résultat parfois édifiant.
Autre chose que je me dois de signaler, ce sont les Boss. Ceux d’Origins étaient sympas, mais casu comme pas possible, et peu intéressants à jouer. Eh bien ceux de Legends sont géniaux, tant au niveau du chara design que de la manière de les battre, pas toujours originale mais toujours bien pensée, chacun des Boss du jeu étant un moment de pure epicness.
Allez, un dernier truc : si Origins faisait déjà fort en termes de fan service, Legends l’explose sévèrement. Je citerai simplement :
- Certains niveaux Invasion reprennent un principe excellent de Rayman 1, qui aura marqué tous les joueurs. Excellent de chez excellent.
- On retrouve une musique de Rayman 2 complètement remasterisée, que seul le fan aguerri saura reconnaître.
- Le Boss final est selon moi un hommage remarquable à Rayman 3, et à tous ceux qui attendaient sa suite. Un moment d’anthologie pour les fans.
Je pourrais encore blablater des heures durant sur ce jeu. Et je vais encore y jouer, assurément, et donc je pourrai encore blablater plus dans les semaines à venir. On va donc s’arrêter là pour le moment.
Avec deux ou trois mondes originaux en plus, moins de checkpoints, plus de challenge, plus de défis multijoueurs, Legends aurait peut-être pu être le Rayman ultime qu’on nous a vendu. Car, je n’en ai même pas parlé, mais au-delà de tout ce que j’ai déjà cité, on se retrouve aussi avec le plus beau jeu 2D ever, comportant des effets 3D à en pleurer de magnificence.
Mais en l’état, ce n’est pas le cas. Rayman Legends reste un excellent jeu, qui me marquera et finira probablement in fine sur le podium de l’année, mais il échoue là où Origins avait réussi une performance autrement plus remarquable : ne pas décevoir les attentes titanesques du fan que je suis après 8 ans d’absence. Legends déçoit donc autant qu’il émerveille.
Soyons clair, sur mon échelle de notation habituelle, Rayman Legends ne vaut à mes yeux pas son 9, mais un simple 8 carabiné. Mais je suis un fanboy irrécupérable. Et puis, plus important encore, des jeux qui arrivent à me vendre du rêve à ce point, à me tirer des « ouaw » émerveillés tous les deux ou trois levels, et à faire perpétrer la magie une fois le pad reposé, il n’y en a pas des masses.
Pas le meilleur jeu de l’année, pas le meilleur Rayman ever loin s’en faut, mais un jeu au final unique et extraordinaire à sa façon. Rayman, tu m’as déçu, mais je t’aime quand même. Tellement. Et quand le temps aura effacé les moments les plus amers de notre vie de couple, alors il n’en restera que le meilleur, des souvenirs magiques et inébranlables que toi seul aura réussi à m’apporter.