Internet et les sites de rencontre permettent de s'exprimer, et de faire sa cour, tout en se faisant passer pour un autre ? Stéphane Robelin renoue avec un thème remontant à l'Antiquité (les dieux et leurs métamorphoses amoureuses...) et, cinq ans après "Et si on vivait tous ensemble ?" (2012), retrouve Pierre Richard et l'entraîne dans la valse de cette comédie-romance pour transformer l'acteur vieillissant en Cyrano du Net...


Pierre Stein, veuf depuis deux ans, est encore suffisamment amoureux de sa défunte épouse pour écouler des jours sombres dans son appartement obscurci, traversé par la seule lumière du projecteur qui redonne vie à la disparue. Son Christian lui sera fourni par sa propre fille qui, alarmée de le voir ainsi emmuré vivant, entend forcer son ouverture sur le monde en l'initiant à Internet. Boîte de Pandore dont le "Pierrot" (tel sera son pseudo) encore vert ne tardera pas à s'emparer. Mais, comme Cyrano butant contre la longueur de son propre nez, c'est à son âge que Pierre ne tarde pas à se heurter.


Qu'à cela ne tienne ! Le jeune et joli Alex (Yaniss Lespert), qui lui enseigne le maniement d'Internet, lui servira de masque, et bientôt de corps, pour approcher la fraîche et séduisante Flora (Fanny Valette). En découlent toutes les tensions, tous les tiraillements prévisibles, puisque le succès de l'entreprise dresse aussitôt l'un contre l'autre les deux anciens complices, devenus rivaux :
"Attention, je vous rappelle que vous parlez en mon nom...
- Oh, toi, tu n'as rien à dire, puisque je te rappelle que tu baises en mon nom !"


La situation-cadre est plus complexe que dans la pièce d'Edmond Rostand et le langage s'épanche dans une liberté toute moderne, mais les répliques fusent avec une verve réjouissante et Pierre Richard est une fois de plus aussi touchant que drôle, aussi léger que profond, lorsqu'il passe par toutes les étapes d'une renaissance : vieil homme renfermé, n'attendant plus que la mort, puis tout vibrant lorsque des émotions enfouies se réveillent en lui, adolescent rebelle lorsqu'il lui faut se soustraire à la tyrannie inquiète de sa fille, matois lorsqu'il s'agit d'obtenir de son jeune complice les services qu'il en attend, peu éloigné d'un Don Quichotte de l'amour lorsqu'il se refuse à envisager les résistances du réel, heureux, enfin, et aussi séduisant qu'un jeune homme...


Stéphane Robelin nous livre ici une nouvelle fable envisageant, de manière très moderne et contemporaine, les problèmes attachés au vieillissement. Mais il aborde de manière si sensible et humoristique un thème qui n'a en lui-même rien de très glamour que l'on ne peut que lui savoir gré de réinjecter tant de vie dans des zones qui pourraient n'être centrées que sur la mort et son approche. On lui sait gré aussi pour la jolie pirouette finale, qui permet, de manière finalement très naturelle, presque évidente, une fin heureuse, alors que l'on pouvait se demander comment échapper à des scènes larmoyantes de clôture...

AnneSchneider
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le 15 avr. 2017

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Anne Schneider

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