Malik El Djeena (Tahar Rahim), 19 ans, arrive à la centrale. Il est condamné à 6ans ferme. Il ne connait personne, ne sait ni lire ni écrire. Il va devenir le larbin de César Luciani (Niels Arestrup), un caïd corse qui contrôle la prison...
Jacques Audiard s'attaque à un genre plus américain que français : le film de prison. Certes en France on a eu quelques réussites comme évidemment "Le trou" (sommet du genre) ,"Ombline" qui parle de prison pour femmes ou encore le sympathique "L'addition" avec Berry en prisonnier harcelé par Richard Bohringer en gardien de prison. Alors qu'aux U.S.A on ne compte pas le nombre de films honorables, voire de grandes réussites comme "L'évadé d'Alcatraz", "Les évadés", "Luke la main froide", "Midnight express" ou encore "Brubaker'....
Jacques Audiard se réapproprie le genre tout en gardant sa propre identité. D'ailleurs un des thème principaux de son film est la relation père/fils même si Malik et César ne sont pas de la même famille. Dans "Regarde les hommes tomber" Audiard en parlait à travers la relation entre Jean-Louis Trintignant et Mathieu Kassovitz, "De battre mon coeur s'est arrêté" montrait la relation d'un père et son fils avec Romain Duris et déjà Niels Arestrup. Cette fois la relation est ambiguë puisque César protège Malik tout en étant capable de le cogner dès qu'il ne fait pas bien ce qu'il dit....
Et puis on voit l'ascension de Malik qui apprend vite ce qu'on lui montre.
La principale influence d' Audiard n'est pas les films de prison que j'ai précédemment cités mais plutôt le Scorsese des Affranchis avec des personnages virils, violents où des hommes plus âgés apprennent le "métier" à un plus jeune qui va devenir aussi respecté que ses ainés...!
D'ailleurs dans sa mise en scène on sent la même nervosité et tension que l'on ressent chez Scorsese et on n'y voit finalement que peu d'action. Et pourtant on ne s'y ennuie pas grâce au climat du long métrage.
Le casting est audacieux. Si Audiard retrouve Niels Arestrup qui est encore plus impressionnant que dans "De battre mon coeur s'est arrêté" (quelle présence monstrueuse !), il fait confiance à de jeunes acteurs inconnus ou presque. Dans les rôles secondaires, Reda Kadeb est une des révélations. Il est fabuleux en Jordi le gitan. Les plus attentifs reconnaitront Karim Leclou dans le rôle d'un prisonnier musulman. Mais la plus grosse révélation est Tahar Rahim. Il est magnétique, crève l'écran et trouve d'emblée un rôle qui va marquer sa carrière. Et en plus sur le tournage il rencontre Leïla Bekhti ,qui n'a qu'un petit rôle, qui va devenir sa femme. Difficile de faire mieux pour démarrer une carrière !
"Un prophète" va tout rafler sur son passage: grand prix du jury à Cannes, prix Louis Delluc, globes de cristal etc.... Et 9 césars dont meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario (Jacques Audiard l'a évidemment coécrit ), meilleur acteur...! Et il fit plus d'un million trois cent mille entrées soit un de ses plus gros succès. Le film devint dès sa sortie un classique et est souvent considéré comme étant le meilleur film français des années 2000. J'approuve totalement ! A voir absolument !