Difficile de maintenir la bonne distance avec un sujet aussi intime. Il faut rentrer dans les secrets les plus douloureux des gens, mais sans les exposer à un regard trop scrutateur. Rester sobre sans négliger leur douleur. Les deux autrices de ce documentaire y parviennent admirablement. Elles accompagnent les confidences pénibles des victimes d'inceste sans curiosité malsaine et sans grandes démonstrations non plus. Du coup, on peut recueillir nous aussi ces paroles de manière bienveillante et plutôt douce, même si, franchement, il y a des pétages de rotule qui se perdent. Parce que non seulement les agresseurs, qui restent hors champ, torturent des enfants mais, en prime, ils les manipulent de la plus odieuse des façons pour leur faire porter la charge de leur crime. Résultat, des souffrances psychologiques sans fin, sans nom, parfois même sans véritable symptôme. Le documentaire se montre particulièrement salutaire, en outre, quand il pointe les insuffisances de la justice, qui traîne les pieds, manque de moyens et parfois de tact. Bref, un constat accablant que les chiffres achèvent de rendre traumatisant : la banalité de cet attentat contre l'humanité sidère. On se dit qu'on vit entourés de monstres déguisés en individus banals, que chaque fois qu'on a n'importe quel groupe de jeunes devant soi, il y en a 4 ou 5 qui sont dévastés en dedans, par des personnes proches, insoupçonnables. Eh ben, ça n'anéantit pas qu'eux...