Underworld fait partie de ces films qu’il faut avoir découvert adolescent pour l’apprécier, pour que la magie opère, car c’est un objet filmique de coolitude absolue, avec ses ralentis à foison, ses scènes de baston entre vampires et loups-garous sous fond de musique metal, ses flingues qui déchirent, et sa tête d’affiche en latex moulant. Je fais partie de ces gens qui ont découvert ce film à cette période sensible, et donc suis plus enclin à le défendre, mais en le revoyant à l’âge adulte, on se rend vite compte que la magie n’opère plus, et que certains films sont indéniablement rattachés à un contexte particulier.
Première réalisation de Len Wiseman, au départ spécialisé dans les effets spéciaux, qui donc avant ce film était inconnu au bataillon (on vient de me rappeler que c’est toujours un peu le cas, il suffit de voir la filmographie du bonhomme pour s’en rendre compte, entre le remake moisi de Total Recall et la suite de trop Die Hard 4), Underworld donne un petit coup de fouet à un genre devenu incurablement classique : le film de vampires.
L’action se situe de nos jours, avec un encadrement historique assez solide, une guerre éternelle entre vampires, ressemblant (forcément) tous à Peter Steele ou Tarja Turunen, et loups-garous où est embarquée depuis quelques siècles une guerrière aux crocs acérés, Selene, qui en fait sérieusement baver à la gent canine à coups de gros flingues (forcément) et de chorégraphies qui (forcément) la mettent en valeur.
Transposant le mythe Shakespearien de Roméo et Juliette dans ce monde sombre aux allures purement gothiques par le biais de la relation entre Selene et Michael Corvin (qui se retrouve mêlé malgré lui dans cette lutte invisible aux yeux des humains), ce premier volet d’une saga de cinq films possède un charme fou comme on l’a dit précédemment si on a la chance de le voir jeune, Wiseman déballant une néo-mythologie derrière ses personnages, avec une hiérarchie, un ordre social et certains faits historiques que même les plus âgés des vampires considèrent comme légendes ou fables, le film ayant sa propre légende et évoluant dans son propre monde. Et si le vampire n’évolue pas par rapport aux monstres du passé (toutes canines dehors, look un peu cliché, toujours sensible à la lumière), l’absence de mythes ayant forgé le genre (Dracula en tête) est une bonne surprise.
Le film possède tout de même un lot ahurissant de lacunes, le contexte évoqué et la mythologie disposant pourtant d’un potentiel fou s’effaçant derrière des dialogues un peu abscons et des scènes d’action décérébrées où les vampires et les lycans font du Kung-fu au ralenti. Le film présente aussi quelques incohérences, même dans son propre univers (pour exemple : les aînés, plus puissants que la norme vampirique, sont capables de terrasser des lycans à mains nues voir un hybride, comme Victor dominant aisément Michael, mais l'un des aînés, Amelia, ne survit pas à sa rencontre avec des loups garous lambda). De même, Underworld trouve le moyen de saquer son propre univers, des personnages au background pourtant intéressant et facilement exploitables meurent au bout du premier film, et même si un préquel va voir le jour en 2009, on a la désagréable impression que le premier opus de la saga est en même temps une introduction et une conclusion à un univers qui aurait mérité un meilleur traitement sous format cinématographique.
Des défauts heureusement compensés par des acteurs habités par leurs rôles, entre une Kate Beckinsale atomique ayant la tête de l’emploi, le caméléon Michael Sheen qui fait ici abstraction de sa classe britannique pour un rôle plus sauvage bien loin de ce qu’il fera ensuite sur la franchise Twilight, et un Bill Nighy exemplaire au regard qui tue.
Len Wiseman, s’il n’a pas de patte ou de style propre à lui, compense une mise en scène banale et sans signature particulière calibrée pour les blockbusters par une générosité sans cynisme, à la manière d’un Stephen Sommers ou d’un Martin Campbell, il offre au spectateur ce qu’il est venu voir : action, aventure et évasion dans un autre monde, En soi, Underworld est honnête et ne se fout pas de son public pour empocher les biftons ensuite (eh oui, c’est toi que je regarde là).
Bref, Underworld ciblera et satisfera le spectateur plutôt jeune mais laissera de marbre celui qui a été biberonné aux classiques Dracula et Entretien avec un Vampire.
Il reste un bon divertissement, mais qui laisse un arrière-goût amer tant l’univers et la mythologie présentés auraient pu être bien mieux mis en valeur si le film (et la franchise par la même occasion) avait été signé ou même simplement produit par un cinéaste qui ne se serait pas contenté du simple visuel, au style moins aseptisé et plus personnel comme un Del Toro ou un Peter Jackson pour ne citer qu'eux, car s'il se laisse regarder avec sympathie, le film avait le potentiel de renouveler un genre qui avait besoin d'une mise à jour.
Lorsque l'idée est bonne, mais le traitement un peu moins, dommage.