Une affaire de femmes par Momodjah
Une Affaire de femmes est l'une de ces oeuvres qui résonnent en nous pendant longtemps, très longtemps sans vraiment comprendre pourquoi. Bien souvent avec Chabrol, je prends plaisir à regarder ses films parce qu'il raconte des histoires tellement particulières et uniques mais avec des êtres tant ordinaires que l'on pourrait s'y retrouver. On peut bien entendu se contenter des événements qui nous sont contés et s'en tenir là. Et pourtant, pour ma part, je reste toujours imprégnée, comme marquée au fer rouge ... Sa peinture de la nature humaine est d'une telle justesse qu'elle en est déconcertante. Cet artiste, à la manière d'un Flaubert ou d'un Hugo, parvient à sublimer la complexité de l'Homme, sans jamais juger ni célébrer, il nous fait tout simplement voir. Et ça, c'est ce qui s'appelle du génie. Mais je m'emporte, revenons à nos moutons ou plutôt à nos affaires de femmes.
J'aime dans ce film cette idée de vouloir montrer que la guerre laisse des marques pernicieuses et indélébiles, et pas seulement des stigmates. Ici, le réalisateur arrive à dépasser la manifestation concrète et effrayante de la guerre pour ne garder que le côté humain. On mesure alors à quel point le guerre parvient à transformer les individus ou plutôt à les révéler, comment elle les incite à perpétrer les pires bassesses, parce qu'il s'agit, avant toute chose, des faiblesses de chacun face à une situation extrême.
Marie, la protagoniste incarnée par Isabelle Huppert, qui joue merveilleusement bien, se voit pratiquer des avortements pour aider les prostituées, les femmes adultères ou encore celles qui ne supportent plus d'enfanter. Cette « faiseuse d'anges » a le sentiment d'agir pour le bien de ces femmes tout en subvenant aux besoins de sa famille. On assiste alors à la métamorphose de Marie qui bascule de la pauvreté vers la bourgeoisie. En temps de guerre, elle améliore sa condition, s'enrichit et monte à bord de l'ascenseur social et c'est peut-être davantage cela qui lui sera reprocher par la suite. Avec un soupçon de féminisme, Marie se sent une femme libre. Elle n'a plus besoin de son mari, Paul, qui avait été fait prisonnier. Ce mari, interprété avec brio par François Cluzet, au retour de la guerre, se sent inutile, émasculé, perdu, évincé de son fonction de chef de famille et d'époux. De cette situation inextricable, va se jouer l'irréparable.
Sans trop en dire pour ceux qui ne l'auraient pas encore vu, ce film est une critique virulente de l'hypocrisie des politiques et des Hommes en général, ceux qui condamnent moralement alors même qu'ils exécutent sans scrupule. Toute l'absurdité de la guerre et des situations incongrues qu'elles génèrent sont ici illustrées à travers l'histoire de cette femme ordinaire mais au destin si particulier ...
Humain, juste, incisif : Du grand Chabrol !