Voilà que je tombe sur ce film dans le programme télé de la semaine. Cela fait tant d'années que j'ai vu ce film ! C'est donc une critique tamisée par de nombres années que je vous livre. Je me souviens d'un film sombre. Je me souviens d'un portrait de femmes. Au pluriel. Cette faiseuse d'anges, donc. Chabrol n'est pas tendre avec elle : ne comptez pas trouver un portrait larmoyant d'une femme œuvrant dans l'ombre pour la libération de la femme. Non. Ce personnage n'est pas particulièrement attachant. Sa vie est moche. Elle survit. Elle ne s’embarrasse pas de longues réflexions philosophiques. On a besoin d'elle pour ce qu'elle sait faire ; elle se rend compte que ça arrondit les fins de mois de façon assez confortable dans cette France de l'occupation. Point.
Merveilleuse Isabelle Huppert ! Mais je me souviens aussi de la lumineuse Dominique Blanc, encore peu connue. Quel visage détruit par la douleur ; quel portrait avec son mari et ses enfants ! Ses yeux dans la douleur, enlacée par son homme impuissant à l'aider. Le portrait des hommes aussi ! Peu flateur. Ils n'ont pas la meilleure place dans ce film. Ils sont lâches. Idiots. Méchants. Pervers, comme ce procureur fiéleux. Chabrol nous transporte dans la misère la plus noire, les profondeurs de la détresse. Il nous fait toucher du doigt la noirceur des âmes. Nul espoir.
Mais cette femme. Pas vraiment attachante. Pas vraiment intelligente, mais libre, sans trop le savoir elle-même d'ailleurs. Elle n'agit pas par conviction, mais par nécessité. Mais libre elle restera. Elle n'a rien d'une héroïne. Elle ne porte aucun drapeau, aucun étendard. Elle ne défend aucune cause ; ce n'est pas une suffragette, ni une féministe avant l'heure.
Regardez les yeux d'Isabelle Huppert lorsqu'elle arrache son collier. Elle est déchirante. Elle a peur. Elle sait qu'elle va mourir. Et sa prière qui jadis avait tant choqué. De la rage. De la révolte. Un film bouleversant. Magnifique. Inoubliable.