Après s’être imposé au fil des années, comme un spécialiste de la comédie sentimentale, parfois réussie (Changement d’adresse, 2006) parfois moins (Fais-moi plaisir!, 2009), mais toujours empruntant quelque chose au meilleur du burlesque et de la comédie de mœurs américaine, Emmanuel Mouret s’attaque aujourd’hui à un autre genre cinématographique extrêmement codifié par Hollywood : le mélodrame.

Aurore, jeune pianiste de renom, traverse une période difficile suite à la mort de son père. Isolée dans la maison familiale en bord de Méditerranée, et malgré les encouragements de son impresario de frère, elle ne joue plus. Un jour, Jean, électricien, vient poser une alarme. Le charme opère, une liaison commence. Mais Jean a une compagne, Dolorès…

Sur cette trame classique, le cinéaste tisse des liens avec les œuvres de Douglas Sirk par l’utilisation habile d’éléments tels que le secret brusquement révélé, le handicap, ou encore la différence de classe entre les deux amants. Malgré son radical changement de genre (l’humour est ici totalement absent), le cinéma de Mouret tourne toujours inlassablement autour des questions de modalités de l’amour, de choix moraux face au désir et à l’infidélité. Jasmine Trinca est parfaite en jeune artiste sophistiquée, Joey Starr convaincant mais pas toujours très précis, en homme du peuple sensible et intelligent.

Cette intelligence des personnages face à leurs sentiments est d’ailleurs l’un des points forts du film : plus qu’ils ne se laissent emporter par la passion, ceux ci regardent avec simplicité et sincérité leur propre intériorité. En résulte un mélodrame sans fracas ni déchirements spectaculaires, mais avec de multiples et subtiles variations mises en valeur par l’image douce et fluide de Laurent Desmet et le choix du plan-séquence.

Mais la véritable surprise vient du personnage joué avec finesse par Virginie Ledoyen : Dolorès, dont le prénom la destine à la tragédie, figure une forme d’amour absolu, inquiétant, presque maléfique, qui contamine le film de manière doucereuse et inattendue dans sa partie finale, participant largement à la réussite de celle-ci.

Hélas, son déploiement trop tardif condamne le récit à un ventre mou en son milieu (la routine infidèle des deux amants, vue ailleurs en mieux), maladroitement compensé par une tentative de complexifier la structure narrative par l’utilisation artificielle de flash-backs.

Fidèle à son tempérament de doux rêveur, Mouret renonce en dernier recours à réellement explorer la noirceur de la psyché de son(ses) personnage(s), et, au lieu de l’emmener sur les territoires presque vierges du fantastique sentimental, recouvre parfois de trop de conventions et de musique lyrique cet intéressant mais inégal mélodrame moderne.
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le 20 janv. 2014

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