Trois fois 1.

1 minute et 11 secondes, trois fois 1, pour souligner la singularité des images les plus belles, probablement, du cinéma français.

En 1981 alors qu'il rend visite à Francis Ford Coppola dans les studio de Zoetrope, dé(-)formation professionnelle oblige, Jean-Luc Godard profite des studios et du matériel pour tourner à l'envolée, littéralement, quelques plans.
Ce sont ceux du réalisateur et scénariste Andrei Konchalowsky feuilletant un livre de Cézanne ou encore ceux du tournage d'une reconstitution du tableau Le Nouveau Né de Georges De La Tour, des techniciens qui courent, qui préparent, des actrices qui se placent. Godard garde les rushs, les montent, fais craquer le grain de sa voix par dessus dessous les images américaines. Il nomme le film, puis le cache.
En 2006, 25 ans plus tard, Godard pense à Une bonne à tout faire (tel est le nom de l'objet cinématographique non identifié tourné à Zoetrop) lorsqu'il s'agit de sélectionner ce qu'il montrera à l'exposition que lui consacre Beaubourg puis il oublie ou refuse, ou s'amuse de cacher un trésor, qui sait.
Il réapparaît ou plutôt apparaît pour la première fois en 2010, quatre années plus tard, lorsque Godard accorde une interview à deux journalistes de Médiapart à l'occasion de la sortie de Film Socialisme. Une interview longue, belle, rare, largement suffisante pour devenir un document cinéphilique éternel. Et pourtant, d'une générosité comparable à celle des plans qui a constitué toute sa demi vie de réalisateur, Godard invite les deux journalistes à regarder des images de 1981, justement.
Le moment filmé par un des journalistes est iconique : sur un écran d'ordinateur tout ce qu'il y a de plus commun en 2010 défilent les images d'un court métrage inédit de Jean-Luc Godard. Jean-Luc Godard est à côté d'eux, se rendant probablement pas compte que de ce jour naîtra une frénésie chez un grand nombre de cinéphile : celle de retrouver Une bonne à tout faire.