J'ai toujours évité ce film (et ses 43 remakes aussi d'ailleurs) pourtant si culte et important pour l'histoire du cinéma.
Hollywood qui fait son introspection, ça ne pouvait qu'être léger, romancée au possible, et glamour à outrance.
Bha oui, on attaque rarement ce qui nous nourrit. Alors dans cette situation, la propagande est de mise.
Et pourtant...
Très franchement, je suis assez surpris par ce film.
L'introduction est assez lourde et me déplaît pas mal.
La petite campagnarde tête à claques, rejetée par sa famille parce qu'elle rêve de renommée Hollywoodienne..
Sa grand mère qui se la joue Dalaï-lama pour l'inciter à réaliser ses rêves..
Son émerveillement une fois à hollywood, mais qui déchante vite quand elle réalise que "olala, c'est pas si simple finalement d'être actrice !".
C'est franchement convenu et assez niais. Quand on a aucune sympathie pour une telle opportuniste, c'est pas une histoire très agréable à suivre...
Oui je dis opportuniste. Car son rêve n'est jamais clairement défini. Elle semble plus vouloir devenir actrice pour être actrice, que par amour du cinéma, de la performance ou du travestissement.
Elle va voir un film, il y a un acteur qu'elle aime bien, donc elle veut devenir actrice.
On y croit pas, ça ne fonctionne pas.
Donc évidemment, elle se casse la gueule au début.
Et même si le schéma est convenu, je dois avouer que ces scènes ne manquent pas d'originalité.
J'aime beaucoup le fait que tout tourne au cynisme dans ces scènes.
Les castings sont odieux et blasés. Les affiches de candidatures soulignent que seul un infime pourcentage est pris.
Le monde entier semble vouloir la décourager.
Mais évidemment elle tient bon, et croit en elle. Mais pas nous.
Elle dit qu'elle est motivée, mais on ne comprend pas son ambition. Donc c'est assez difficile de voir autre chose en elle qu'une fillette bornée et capricieuse.
Ensuite apparaît le personnage de Norman Maine, qui va être au centre de l'histoire.
Un homme qu'on nous présente comme égocentrique, impulsif, charmeur et alcoolique.
Le cas typique du bad-boy à son sommet, mais qui reste vraiment charismatique.
Évidemment, les 2 jeunes gens se croisent dans un dîner, la belle affaire.
Norman est un dragueur compulsif, donc il ne peut s'empêcher de draguer la boniche.
Ensuite ils se revoient, et tombent amoureux.
Ces moments semblent assez expéditifs et presque forcés.
N'ayant aucune sympathie pour Esther, et sûrement beaucoup trop pour Norman, j'avais du mal à comprendre ce qu'il lui trouvait.
Ensuite naturellement Norman use de son influence pour faire d'Esther une star, et c'est la dégringolade pour lui.
A vrai dire, après ça tout s'enchaîne rapidement.
Norman devient détesté du public du jour au lendemain.
Esther devient la star numéro 1.
Norman sombre dans l'alcool.
Puis arrête.
Puis reprend.
Tout s'enchaîne sans qu'on prenne le temps de développer un peu plus longuement les étapes importantes. Et c'est dommage parce qu'elles perdent de leur intensité de ce fait...
Parce qu'il y a vraiment de l'idée dans ce film !
La transition expéditive de Norman, de star incontournable à inconnu est très clairement exagérée de sorte à montrer la vacuité de la célébrité.
Les médias aussi, envahissants et déshumanisés. Qui glorifient les populaires, et diffament honteusement les boucs émissaires.
La production, qui ne pense qu'à son image, et donc son profit.
Ce film est un véritable petit pamphlet du star-system et de ses dérives.
Le souci c'est qu'il le fait assez maladroitement.
Parfois ça semble tourner à l'absurde et à l'exagération : la dégringolade impossible de Norman.
Et puis parfois c'est plus concret : comme ses nombreuses discussions de contrat et de production.
Si bien qu'on a parfois l'impression que toutes ses exagérations ne sont pas des métaphores très critiques, mais plutôt des maladresses scénaristiques.
Pourquoi Norman sombre en une ellipse ? Tout simplement parce qu'on ne savait pas de quoi parler entre temps.
D'autant que j'ai beaucoup aimé Norman. Son rôle semble assez simple, mais s'avère assez profond et franchement touchant.
On sent sa puissance et son ego démesuré quand il est au sommet.
On sent qu'il s'assagit clairement quand il est avec sa femme.
On sent sa douleur d'être rejeté, sa détresse de se sentir perdu.
Le parallèle avec ses problèmes de boissons et bien pensé aussi, mais très simplement représenté.
Il va bien ---> il ne boit plus
Il va mal ---> il boit
Mais ses moments sont surtout un moyen de nous dévoiler son état d'esprit. Et de briser ses espoirs, de le faire sombrer à nouveau alors qu'il essaye d'aller mieux.
Afin de nous dépeindre un monde injuste qui tend vers l'absurde.
En outre un bon personnage, qui symbolise bien plus les propos du film que le personnage d'Esther.
Esther d'ailleurs.. Personnage surtout présent pour contrebalancer avec Norman.
Créant alors une romance intelligente, à 2 vitesses.
Le bonheur de l'un étant incompatible avec celui de l'autre.
Mais Esther reste en dessous. Son personnage est moins intéressant, plus simple. Dommage.
A tout ça, on peut ajouter quelques idées vraiment bien pensées (à moins qu'elles soient involontaires ?).
Comme le principe du nom d'artiste.
Un nom qu'on garde pour son public et son travail, mais qu'on perd dans son intimité.
Sauf Norman, qui garde toujours le sien, même quand il n'existe plus à Hollywood.
On apprend son vrai nom qui est cité une seule et unique fois, durant son mariage, de façon expéditive.
Il restera Norman Maine, même pour sa femme, comme s'il était condamner à se traîner un nom fantôme, qu'il n'avait aucune autre identité.
le personnage du journaliste, qui ne tarit pas d'éloge pour des stars qu'il méprise en réalité. Ce qui lui offre des scènes terriblement antipathiques et glaçantes, notamment en fin de film.
Représentation parfaite de la démagogie de ce système superficiel.
Et quelques autres qui sont trop isolés pour que j'arrive à les expliquer correctement.
Une Étoile est Née est donc un film intelligent. Assez subversif pour son époque sans doute.
Il a un message, un propos. Qui peut sembler conventionnel, mais qui reste un fantastique moyen d'expression et de critique.
Une petite histoire en apparence simple, mais intelligente et pertinente.
Un film jamais dénué de cynisme et de romantisme brisé, mais qui se perd parfois dans sa construction.
Le final en revanche est attourdissant et parfait.
Esther qui subit les railleries et qui explose quand elle entend un "he wasn't that much", c'est génial, et on a envie de crier avec elle face à cette injustice.
Et ce foutu journaliste qui trouve bien venu de plaisanter avec mépris sur la mort de Maine, face un barman hilare.
On regrettera cependant le fait que le film continue encore après. Avec la grand mère qui revient pour nous ressortir ces banalités de grands sages Shaolin. Mouais..
Je ne sais d'ailleurs pas si la toute fin est censée être un énième constat cynique ou si c'est censé être un happy end maladroit.
J'aime opter pour la première option.
Mais j'ai du mal à savoir, comme avec tout le film d'ailleurs, si c'était vraiment une volonté du film ou si c'est moi qui y ai vu ce que je voulais y voir.
Dans tous les cas, Une Étoile est Née me semble être un film plutôt impressionnant (surtout pour 1937 !). Pas avare en critiques acerbes, et en dénonciation d'un milieu oppressant et oppressif, semblable à une arène régit par des règles que personnes ne comprend.
Des acteurs noyés dans ce système, qui en profitent autant qu'ils subissent.
Les dénonciations sont grossières, montrées sans grande subtilité, de manière brute et stricte.
Mais restent efficaces, malgré certaines simplicités.
Reste surtout Norman Maine, véritable martyr, profondément émouvant.
Pur héros tragique, et plus grande réussite du film.