[Article contenant des spoils]


On ne peut plus voir une scène se déroulant dans un taxi sans penser à Kiarostami... Au-delà de ce détail le maître a vampirisé le cinéma iranien, avec ce mélange entre la Grande et la petite histoire, l'osmose entre la fiction et le documentaire, la critique voilée (sans jeu de mots) du régime. Farhadi a su développer un style propre, en basant ses films (bien plus convaincants lorsqu'ils se déroulent en Iran) sur des dilemmes moraux, à l'instar par exemple des frères Dardenne. Massoud Bakhshi se situe dans la droite lignée de son mentor Kiarostami. Sans, hélas, les mêmes qualités de mise en scène.


Faire peser l'ombre menaçante d'une première scène sur l'ensemble du film était pourtant déjà une première bonne idée, même si la recette n'est pas nouvelle. Aux 3/4 du film, Bakhshi nous livre la clef, mais celle-ci ne produit pas la déflagration espérée. La faute à un scénario trop chargé, qui se disperse en voulant trop embrasser, un travers assez courant.


Car ce "polar politique", dixit Le Monde, entend nous raconter l'embrigadement religieux, le traumatisme de la guerre Iran-Irak, les affres de la bureaucratie iranienne, le poids de la censure, l'avidité des nouveaux riches... et, face à cela, la résistance étudiante ainsi que celle des femmes en général. Car toutes les figures féminines sont des femmes-courage, que ce soit la mère qui refuse de toucher un argent sale, la nièce d'Arash encore lumineuse et pure, sa belle soeur qui s'escrime à garder son fils dans le droit chemin - sans succès, on peut le dire. Quant aux étudiants, ils sont curieux et enthousiastes, protestent face à la censure de l'université, vont se battre dans la rue. En face, chez les hommes, peu à sauver, chacun magouille pour se faire le maximum de fric sans lésiner sur les moyens.


Au milieu de tout cela, Arash, l'enseignant venu de l'étranger, partagé entre son attachement à sa culture et ses réflexes occidentaux. Lesté, de plus, d'une histoire tragique de frère perdu au combat narrée, de façon classique, à coups de flash backs.


Tout cela n'est pas finement amené : on est loin de Close Up de Kiarostami ! Le beau frère a une gueule de pourri, quand un avocat dérange on l'élimine, le neveu s'avère machiavélique, la belle soeur a été tellement traumatisée par les magouilles de son mari qu'elle en est devenue maniaque de la pureté... Ce qui conduit à des invraisemblances dans l'attitude d'Arash : la photo de sa belle soeur qu'il aima enfant et qu'il conserve dans un livre (qui peut croire à ça, après 20 ans passés en Occident ?), et surtout le fait qu'il abandonne passeport et billet d'avion pour se mêler aux étudiants ? Le film sombre tout d'un coup dans le mélo gnangnan, alors qu'il entendait se situer à la lisière du documentaire.


Le plus intéressant est peut-être cet aspect documentaire, car il faut avouer qu'on sait peu de choses sur cette effroyable guerre Iran-Irak. Et encore... On n'apprendra rien de sidérant, en voyant Khomeiny exhorter les masses à devenir des martyrs ou des processions pleurer les dits martyrs. Au moins se souviendra-t-on que oui, cette tragédie a bien eu lieu. C'était avant la chute de Saddam. Une éternité...


Formellement, le film de Bakhshi est assez banal - là aussi très loin de Kiarostami. On peine à évoquer un plan réussi, un parti pris esthétique, une idée originale. Résultat : le film, honnête et courageux dans un pays tel que l'Iran, risque de ne me laisser que peu de traces. Respectable, oui, mais sans plus.


6,5

Jduvi
6
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le 8 nov. 2020

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Jduvi

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