UNE FAMILLE SYRIENNE (15,4) ( Philippe Van Leeuw, BEL/FRA, 2017, 86min) :
Tragique huis-clos au cœur du conflit syrien narrant le destin de nombreuses familles confinées au sein de leur appartement piégées par le chaos des bombardements et les snipers au cœur de la cité. Pour son deuxième long métrage après l'épuré Le jour où Dieu est parti en vacances en 2009 traitant du génocide rwandais à travers le portrait d'une survivante, le réalisateur et scénariste belge s'attaque de façon atypique aux questionnements moraux par temps de guerre cette fois-ci en pointant sa caméra vers la Syrie, dont la communauté internationale est restée bien trop silencieuse. Comment filmer les théâtres de guerre ? De nombreux cinéastes se sont posés maintes fois la question et y ont répondu de diverses manières, le cinéaste Philippe Van Leeuw choisit pour radiographier le conflit de laisser sa caméra à l'intérieur du logis pour mieux scruter les comportements ambivalents. Sa mise en scène adéquate commence par poser le cadre en faisant un 360 degrés au sein d'un logement tout ce qu'il y a de plus banal, où on découvre peu à peu famille, femme de maison et voisins tentent de survivre malgré les nombreuses pénuries et conditions précaires. La caméra ne fera que quelques incursions à l'extérieure pour montrer le champ de bataille, les horreurs de la guerre restent quasiment toujours en hors-champ, ce qui accentue la tension par un intelligent travail sonore rajoutant à la peur des habitants avec bruits d'explosions, des hélices d'hélicoptères, de bombardements ou de tirs de snipers etc Les habitants ne peuvent jeter que quelques coups d'œil entre les rideaux où à travers des fenêtres à la vision limitée, pour ne pas se livrer aux assaillants, une pertinente métaphore de leur vision du conflit. Malgré ce huis-clos la réalisation n'est absolument pas chloroformée ne cessant de trouver sa pertinence entre longs plans séquences fluides en caméra portée parfaitement chorégraphiés où par des plans fixes signifiants pour amplifier une intrigue tendue et habile. Entre abstraction politique et géographique volontaire, car seul la langue arabe et certains détails nous permettent de savoir le lieu du conflit, cette narration austère oppressante dû à la violence et l'enfermement, ramassée sur une durée de 24 heures, se veut universelle dans son propos. Avec sobriété le cinéaste n'épargne nullement ses spectateurs lors de scènes parfois insoutenables dans leur intensité dramatique mais appropriées pour souligner abruptement la violence injuste commise le plus souvent envers les femmes et les civils pris au piège. Une dénonciation saisissante de la guerre par l'auscultation brillante des cheminements complexes de l'âme humaine, tour à tour lâches ou courageux suivant les situations en période de survie. Un long métrage dense, hommage au courage des femmes toujours au centre de cette tragédie incarnées par des interprétations intenses notamment de l'émouvante Hiam Abbas (A mon âge je me cache pour fumer, La Source des femmes, Héritage...), la révélation Diamand Bou Abboud et la convaincante Juliette Navis (Hippocrate). A noter la prestation touchante du grand père sorte de sage-fantôme qui regarde cigarette à la bouche de façon mélancolique le monde extérieur partir en cendres sous ses yeux humides. Venez découvrir cette œuvre salutaire "en dehors des polémiques partisanes" par le biais d*Une famille syrienne*. Poignant. Éprouvant. Puissant.