Pourquoi une femme se voit réexpédier les colis envoyés à son mari ? C’est la question posée par UNE FEMME DOUCE, un road-movie particulier dans une Russie à l’abandon.
Sergei Loznitsa nous convie à un drôle de voyage. Celui d’une femme quasi-muette, entreprenant un périple dans les contrées russes pour retrouver son mari, emprisonné et dont elle n’a aucune nouvelle. On pense embarquer pour un pur road-movie nous faisant traverser un panel de décors représentatif de l’état de la Russie. Que nenni ! On se retrouve dans un film ballonné, cloîtré, fait de passages d’une pièce à une autre, résigné à se confronter de manière minime à l’extérieur. Et quand la caméra sort, les plans restent obstrués, encombrés. Comme ce moment où la prostitué entre dans la villa et que le grand portail se referme face à nous, nous narguant. La proposition est déroutante, asphyxiante. C’est une Russie sous forme de prison totale que nous présente Loznitsa. Le premier plan, aéré, sur un champ, est un leurre. Un idéal de vie qui ne peut qu’être contrarié. Partant sur des bases kafkaïennes (l’héroïne est confrontée à la stupidité et inhospitalière de la bureaucratie), UNE FEMME DOUCE dérive vers un enchaînement de scènes toutes plus longues les unes que les autres, où des gens parlent en intérieur.Mettant en scène un peuple abandonné par les institutions, essayant tant bien que mal de se rattacher à son folklore (ça chante, ça boit) pour exister, Loznitsa déploie avec lourdeur ses idées, autant que sa mise en scène imposante nous assomme. L’ensemble n’est pas dénué de sens, et est même malin dans ses développements… Pourtant le film souffre d’un rythme catastrophique (2h20), radote son discours et, pour clore le tout, au cas où personne n’avait bien compris, livre une dernière demi-heure d’une lourdeur ahurissante, gâchant toute la belle portée onirique de son récit en une scène de repas complètement ratée – pour ne pas dire gênante. Bavard au possible, UNE FEMME DOUCE glisse dangereusement vers la caricature d’un cinéma russe autant solennel que renfermé sur sa démonstration. Lorsque le dernier plan intervient, on ne peut s’empêcher d’avoir le sourire aux lèvres devant la mise en abîme involontaire provoquée par cette assemblée de personnes endormies. Une anesthésie douce, à n’en pas douter.
Par Maxime Bedini pour Le Blog du Cinéma