Fascinant. Sorte de grand frère et d'envers d'un Paris, Texas — qu'on s'en tienne aux remous familiaux ou qu'on observe les similitudes de leur langage cinématographique — A Woman under the Influence est l'un des exemples les plus évocateurs du contre-pied hollywoodien des années 70, où l'on s'est employé à rompre avec les logiques utilitaristes du grand spectacle pour explorer tout ce que le cinéma pouvait offrir d'autre.
L'approche narrative tout comme la sensibilité du regard de la caméra ont ceci d'unique qu'ils semblent s'affranchir de l'idée préconçue d'un récit obligatoire, y préférant la vérité du moment, inutile et frivole, et proposant l'air de rien une traduction imagée de Mabel, qui comme ces instants capturés, existe d'autant plus fortement qu'elle ne veut pas y voir de sens. Cassavetes parvient à saisir cette fuite du sens rendue impossible par la réalité du monde fonctionnel, que ce soit par la sphère familiale ou professionnelle dont Nick, son mari, serait le pont — et si on file la métaphore on voit pourquoi c'est lui qui, mieux qu'un docteur, peut entrevoir le fossé entre les deux.
Difficile d'expliciter sans entrer dans des considérations triviales, mais le cinéma de Cassavetes est des plus débarrassés et des plus essentiels que j'ai pu voir. Rendant à toute banalité sa dimension extraordinaire, fuyant une normalité construite qui finit par rejeter, sans tomber dans le cliché inverse qui voudrait que vivre sa vie parmi les autres mais pas comme les autres serait un choix à la portée de tous.
Magnifique.