"Une gare pour deux" fait partie de ces petites pépites méconnues du cinéma soviétique qui est, il me semble, toujours inédit en version francophone. Et l'on ne peut que tirer la moue devant cette absence d'exploitation au vu de toutes les qualités et la bonne humeur qu'a réussi à transmettre le réalisateur dans ce projet aussi audacieux que sarcastique. En un sens, le film peut se voir comme un "Lost In Translation" avant l'heure sur un ton de comédie amoureuse où les situations les plus rocambolesques amènent un pianiste très en retard à se lier fortement à une serveuse d'un resto populaire après un premier contact pour le moins austère. Ayant raté son train suite à un quiproquo des plus jubilatoires, il n'aura pour seul réconfort que de rester en compagnie de celle qui fut à l'origine de son retard. Pour ne rien arranger, le flirt de la serveuse lui a coûté son passeport oublié dans la poche du gars qui lui a demandé de surveiller ses caisses remplies de melons de luxe.
Sans passeport, impossible de se déplacer, de louer une chambre d'hôtel. On y voit une critique aussi adroite que subtile de l'appareil de contrôle soviétique qui cadenasse la vie de ses "camarades". Il y a un contraste des plus touchants entre la romance naissante et l'étouffement du régime politique, toujours avec légèreté. "Une gare pour deux" sait se montrer aussi interpellant que touchant et amusant. Le tout s'accompagne d'une image léchée et d'un duo d'acteurs totalement investis. Un film brillant et dénonciateur où les rapports sentimentaux aussi innocents que les premiers émois adolescents font mouche. On espère voir très vite cette très bonne oeuvre en rayon.