Sous ses airs de carte postale racoleuse, A Good Year décline les thématiques chères à Ridley Scott, à savoir la quête d’un Paradis perdu, ici symbolisé par le domaine viticole provençal au sein duquel le personnage principal a grandi en compagnie de son oncle. Max est un être dénaturé, en ce qu’il a perdu le lien qui l’unissait à la nature humaine et extérieure : il apparaît enfermé dans des bureaux et des tours froides, aux couleurs gris bleu, occupé à tricher en bourse comme il trichait autrefois aux échecs. Au mensonge, Scott – par le biais de l’oncle – oppose la vérité, tout entière incarnée par le vin, ce « nectar pur et incapable de mentir ». Dès lors, il donne à récit des allures de parabole biblique, faisant de Max un fils prodigue qui, en retrouvant la terre de son enfance, se raccorde à la vie véritable, loin des chimères boursières et de la solitude.


Nul hasard, par conséquent, s’il introduit une rivale dans l’héritage, à savoir Christie Roberts, tout aussi éligible à la succession : il recompose une famille et confronte le personnage principal à des dilemmes moraux. De même, Francis Duflot – interprété par Didier Bourdon – représente la loyauté à l’égard d’un terroir et d’un art de vivre, soucieux de préserver « les derniers moments d’éternité » que menace de lui ravir « Maxi-millions », comme aime à l’appeler son oncle Henry alors que celui-ci n’est qu’un gamin. A Good Year se propose ainsi d’« embouteiller la vérité » et de l’étiqueter « Le coin perdu », appellation qui confère à la bouteille et à ceux qui la possède un prestige important, déplaçant aussitôt le moyeu autour duquel gravitent les intérêts de Max, depuis l’Angleterre urbaine vers la France rurale. Il y trouve une forme nouvelle de sacralité : son insertion dans une grande famille, sa rencontre avec Fanny, sa « déesse », sa réconciliation avec un passé qu’il actualise à mesure qu’il dépasse les photographies pour réécrire l’histoire et rattraper le temps perdu – la rédaction d’un faux testament, à terme.


Le long métrage conjure le faux par une somme de clichés qui se concrétisent et prennent vie sous nos yeux, non sans lourdeur de la part d’un Scott que l’on a connu plus gracieux. Si la comédie est affaire de « timing », comme il l’affirme à plusieurs reprises, force est de constater que ce genre n’est pas naturel pour lui : les gags tombent plutôt à plat, là où le drame intimiste d’un homme qui se reconstruit en se ressourçant au contact d’un passé revivifié séduit davantage. Un film mineur qui se regarde avec plaisir.

Fêtons_le_cinéma
5

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de Ridley Scott

Créée

le 30 avr. 2021

Critique lue 272 fois

8 j'aime

3 commentaires

Critique lue 272 fois

8
3

D'autres avis sur Une grande année

Une grande année
Stuff90
8

Cliché oui mais pas que!

Qu'on se le dise, les clichés ont la vie dure! Je suis d'accord, pratiquement toutes les idées reçues sur les français et les anglais se retrouvent au long du film. Certaines passent bien d'autre...

le 21 nov. 2012

9 j'aime

Une grande année
Arnaud-Fioutieur
5

Ridley scotche

Bluffant, sur ce coup-là, le père Scott. En roue libre et s'en réjouissant ouvertement. Avec cette adaptation du roman d'un autre amoureux de l'arrière pays provençal (Peter Mayle), le réalisateur...

le 4 déc. 2020

8 j'aime

2

Une grande année
Fêtons_le_cinéma
5

« Embouteiller la vérité »

Sous ses airs de carte postale racoleuse, A Good Year décline les thématiques chères à Ridley Scott, à savoir la quête d’un Paradis perdu, ici symbolisé par le domaine viticole provençal au sein...

le 30 avr. 2021

8 j'aime

3

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

89 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

78 j'aime

14