Dès le premier plan, avec le gâteau de mariage montrant une marionnette de femme qui oscille entre deux hommes, et la voix off qui dit que le film pourrait être tragique, mais est traité sur le registre de la comédie, on se situe dans le marivaudage (dont on retrouve à un moment une réplique-type : "Je ne sais où je suis", ainsi qu'un prénom courant d'héroïne : Marianne).
David est un gynécologue quadragénaire. Il a succombé aux charmes d'une jeune nymphomane qui était venue dans son cabinet sous un prétexte. Le film fonctionne sur une série de flashbacks déclenchés par des objets ou des répliques. David doit prendre le train pour Copenhague. Il monte à côté d'une belle femme mûre et d'un commis voyageur qui la drague dans le couloir. En feuilletant son livre, il tombe sur une photo de sa fille Nix. Il se rappelle avoir passé une journée avec Nix, un garçon manqué, qui lui a appris au détour d'une phrase que sa femme, qui se doutait de son infidélité, a un amant, Carl-Adam, qu'elle va voir à Copenhague.
On retourne au train, et l'on découvre que la femme est justement son épouse, qu'il suit par jalousie. Ils se disputent, lui voudrait une deuxième chance. Nouveaux flashbacks : sur les premiers soupçons de Marianne et la fois où elle a démasqué les deux amants dans un hôtel. Puis leur première déclaration d'amour : Marianne devait se marier avec Carl-Adam, mais le jour du mariage, elle avoue à David son amour, ce qui déclenche une des scènes les plus drôles du film, où les acteurs se jettent tout ce qu'ils peuvent à la figure, avant que le bon naturel de Carl-Adam, sculpteur alcoolique, revienne et calme tout. Un week-end idyllique du couple, parti chez les parents de David fêter l'anniversaire de son père, où la complicité tendre et bonhomme du vieux couple déteint sur le mari et la femme. Jolie scène en calèche et dans les sous-bois. Enfin, dénouement à Malmö puis Copenhague, où Carl-Adam est venu sur un télégramme envoyé par David, émanant soi-disant de Marianne. Le mari, l'amant et la femme finissent dans un bouge du port, où Carl-Adam essaie de jeter David dans les bras d'une entraineuse. David se prête au jeu pour rendre sa femme jalouse, et celle-ci se précipite toutes griffes dehors sur la prostituée. En larmes, Marianne se laisse porter jusqu'à l'hôtel de luxe où le machiavélique David voulait l'emmener dès le début. Cupidon entre dans leur chambre.
Un noir et blanc sublime, où l'on retrouve l'élégance bergmanienne, sa science pour filmer les visages, pour jouer sur les ombres et les halos de lumière, pour décrire les relations de couple. C'est un divertissement, que le cinéaste ne souhaite pas parasiter par une quelconque audace formelle. On sent une certaine empreinte de la comédie américaine (un groupe enjoué qui s'entasse dans une voiture, du slapstick). Mais c'est le comique de situation et la légèreté du ton qui priment sur le reste.
Toujours de sublimes mages de sous-bois idylliques ou de régate sur des lacs, comme dans Les fraises sauvages.
Des répliques très drôles, à l'humour si nordique.
"Je pourrais t'étriper. Je mettrais ton crâne sur mon bureau avec une ampoule derrière les yeux". Ha, le romantisme scandinave...
"- Allons à ce mariage et discutons après.
- Je préfère me pendre".
La fin peut sembler fort convenue comparé au reste de la filmographie bergmanienne, mais elle est fidèle aux dénouements à la Marivaux. Allez, c'est suffisamment rare, un Bergman drôle. Profitons-en sans chipoter.