« La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. »
Moi aussi, je cite Victor Hugo comme une certaine dame habillée de rouge ces jours-ci. NA !
C'est mon héros. Je suis sûre que si j'étais née à son époque, il aurait été mon grand-père de substitution. Bref.
Le titre du reportage n'est pas "Grands reporters - Prix Albert Londres 2011" mais "Une peine infinie. Histoire d'un condamné à mort". Le genre de documentaire qui passe sur Arte, que peu de gens remarquent (en atteste le nombre de notes sur le site : 2, j'espère que cela va changer !) mais qui s'avère bouleversant. Pour votre défense et la mienne, cela passe en général vers 23H20, et qui a envie de pleurer comme une madeleine devant un tel reportage après une journée harassante de travail ?
On suit, pendant une heure vingt, le destin de Sean Sellers. Adolescent en perdition et drogué, manquant cruellement de père, attiré pour le satanisme, on va admettre qu'il a des circonstances atténuantes. Alors qu'il n'a que 16 ans, il tue sa mère et son beau-père. Il est condamné à la peine de mort, alors qu'il est mineur. Ensuite, le reportage suit sa vie, avec une 'interview' tout à fait touchante du condamné, des extraits d'autres interviews destinées à la jeunesse américaine, et puis, on finit par voir son corps sur un brancard. Sean est mort.
Sachez que ce reportage est vraiment bouleversant. Pourtant, pas de musique envahissante, de montage épileptiques mais de beaux plans sur la cambrousse de l'Oklahoma, sur des couchers de soleil, et le long couloir de la mort. Certaines scènes ont de quoi vous retourner l'estomac. On comprend bien vite toute l'absurdité de la peine de mort. Dans des interviews toutes simples, sans musique, sans apitoiement, on écoute les enfants des victimes parler. Ils sont un peu beaufs (mmmhhhh, le chapeau de cow-boy !), paraissent satisfaits que "justice soit faite", sans remords quant à la mort de Sean. Mais on voit très bien qu'ils ne sont pas tranquilles. Que sa mort ne changera rien à la perte de leur père. Et ils avouent d'ailleurs avoir beaucoup de peine pour la famille du condamné.
Ensuite, les montagnes russes commencent par des interviews de la famille de Sean et de son avocat, extrêmement touchant, plein d'humanité et totalement désabusé par cette 'justice' américaine. Les témoignages des gardiens (où on précise le nombre des condamnés qu'ils ont amenés jusqu'à la mort) font froid dans le dos. Ils n'en dorment pas la nuit, évidemment. Ensuite, arrivent le procureur et le pasteur qui a suivi Sean. Au final, on se dit que la peine de mort, dans cette histoire, n'a donné qu'une chose : "une peine infinie", à tous ces gens.
Dans ce reportage où aucun effet de style ne vient envahir le propos, où le reporter nous livre sans prendre parti des documents de l'époque, des entretiens et des textes tout à fait bouleversants de Sean (cet homme a presque quelque chose de poétique...), on est totalement gagné par une seule et même impression : à quoi bon ? Pourquoi tant de gâchis ? Pour montrer l'exemple ? Cela ne marche pas, apparemment. On précise dans le documentaire que le crime n'a pas reculé dans l'état. Donc l'argument de la dissuasion est totalement faux. On ressort de ce reportage un peu meurtri, abîmé d'avoir vu tant de souffrance en 1H20 et surtout avec un grand énervement envers cette putain de peine de mort qui a plus des allures de crime légal que de justice.
Bref, un documentaire très intéressant, didactique, et surtout, vraiment humain.
Je pense que Camus aurait bien aimé ce reportage. Il faudrait lui passer un petit coup de tél' au paradis.
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