Voici une vraie curiosité ! Le tournage de ce film commença avec Robert Totten, mais à la demande de Richard Widmark qui s'engueulait avec lui, il fut terminé par Don Siegel avec qui Widmark venait de tourner Police sur la ville. Ce tournage fut assez difficile et rend peut-être par endroits ce western pas toujours cohérent, il fut donc signé Allen Smithee, nom fictif qui sert à Hollywood pour désigner les réalisateurs qui renient leur travail ou sont mécontents du résultat, le plus souvent à cause de leurs démêlées avec les producteurs qui on le sait, ont presque toujours eu à Hollywood le dernier mot, en pratiquant des coupes souvent éhontées ou en faisant rajouter des scènes, le réalisateur n'étant pas maître de son film. Une poignée de plomb (encore un titre français racoleur et peu approprié) est donc le premier film de cinéma signé Allen Smithee.
Le plus étonnant, c'est que ce western est tout à fait honorable, il est un peu curieux dans le sens où il utilise la violence de façon un peu appuyée, mais on est en 1969 (tourné en 1967), à une époque où le western crépusculaire marque un nouveau tournant dans le genre, et où la violence devient plus crue, avec pas mal de sang, et c'est visible ici. Le ton est très crépusculaire.
Le décor est pourtant familier, c'est celui très bien reconstitué d'une petite ville du Far West, avec son bureau du sheriff, son hôtel, ses saloons, son bordel, son City Hall, son entreprise de Untertaking, ses boutiques, ses écuries, sa gare et son general store... bref tout un microcosme constitué de notables qui veulent s'ouvrir à un nouvel essor, notamment à des investisseurs venus de l'Est. Et leur sheriff qui représente l'ancien temps, fait tâche dans le paysage, il s'agit de s'en débarrasser. On assiste donc à la montée du capitalisme et au machinisme avec de rares automobiles qui remplacent doucement les carrioles à cheval (on est à l'aube du 20ème siècle), les bandits ont disparu, l'âge héroïque est révolu, la conquête de l'Ouest est achevée depuis longtemps, la civilisation moderne est en place et s'accorde mal avec les méthodes brutales du sheriff. J'ai trouvé cette réflexion intéressante, sur le temps qui passe et où les notables font preuve d'un opportunisme indécent en oubliant comment s'est bâti leur ville.
Richard Widmark incarne un sheriff intraitable et dur avec une belle conviction, entouré par la belle Lena Horne délaissant le musical qui n'était plus à la mode, ainsi qu'un bataillon de seconds rôles solides comme John Saxon, Royal Dano, Carroll O'Connor, Kent Smith, Victor French, David Opatoshu, Morgan Woodward... pour un western qui reste très méconnu et qui mérite la découverte.