J'ai des a priori contre le cinéma québécois : pour moi c'est un cinéma très souvent chiant, même quand ils tentent des choses différentes. Je m'ennuie. Et j'ignorais que "Une révision" était de cette région ; j'aurais pu ne pas choper le film si j'avais su, d'ailleurs quand j'ai vu le mot Québec apparaître à l'écran durant le générique, je me suis dit : "ho non!"
Heureusement, tout ce qui nous parvient d'eux n'est pas forcément mauvais et ce film me l'a rappelé.
La mise en scène est correcte. Parfois ça fait un peu téléfilm avec son découpage très plan-plan, ses nombreux champs-contrechamps plats et ternes. Mais par moment il y a un peu de profondeur, une lumière plus travaillée et donc une photographie plus cinématographique (trop par rapport aux autres plans précités). Le casting est correct. Les décors sont bien filmés. Le montage comporte quelque coups de mous (comme cette séquence avec les jeunes qui s'amusent au parc) mais va globalement à l'essentiel sans s'attarder sur les émotions.
L'intrigue a ses défauts, quelques longueurs, quelques intrigues secondaires mal annexées au propos principal, des choix qui ne font qu'accentuer la chute du héros censé être trop malin pour se laisser piéger de la sorte, surtout qu'on sent venir ces péripéties longtemps à l'avance (l'étudiante amoureuse on le voit très vite arriver). Ce qui est intéressant, c'est le double jeu de l'héroïne qui semble discuter sereinement alors qu'en fait elle va se plaindre à la direction ; mais c'est à double tranchant, car on a l'impression qu'il manque quelque chose quand on adopte son point de vue, on ne comprend pas qu'elle agisse ainsi dans un premier temps (par la suite, l'auteure développe un peu plus son malaise au détours de quelques conversations). Le final est assez réussi car l'auteure parvient à dénoncer un système de façon pessimiste (le prof est renvoyé à cause de la bienpensance béate) tout en insufflant un peu d'espoir (l'élève a grandi de cette expérience et on peut espérer voir naître une adulte intelligente).
Pour ce qui est du débat, il est complexe. Je comprends la volonté d'éloigner la religion dans les arguments étant donné qu'il s'agit de croyance ; mais ce serait hypocrite de dire que les philosophes s'appuient uniquement sur des arguments. Quand Platon parle de l'âme, du Beau, il y a une forme de croyance aussi, il imagine un système, qu'il tente du mieux qu'il peut d'accommoder à notre réalité ou plutôt il essaie de trouver des 'preuves' dans notre réalité de ce qu'il avance. N'ayant pas lu beaucoup de philosophie contemporaine, je ne peux que supposer que la question de la vie après la mort est moins abordée, il n'empêche que la philosophie ne repose pas uniquement sur des faits ou des comportements qui peuvent servir d'arguments objectifs, on peut aussi y trouver des systèmes de pensée qui ne sont pas sans rappeler les solutions religieuses à une vie dépourvue de sens. Du coup, il est étonnant que dans ce film, personne ne le fasse remarquer au professeur, ou que lui-même ne s'en rende pas compte. Par contre les reproches dressés par l'établissement est d'une impressionnante hypocrisie ; j'enseigne dans le secondaire en Belgique et je retrouve un peu de ce discours de la bien pensance, mais en moins extrême ; parce que si on résume bien, la direction dénonce le comportement de l'enseignant sans même entendre ses arguments, il est directement accusé de ne pas aider ses étudiants en refusant de leur donner des points ; on ne saura jamais à quel point l'élève a pu ou non se montrer précise en se plaignant, en tous cas, jusqu'à ce qu'ait lieu la révision, la Direction se sera contentée d'essayer de convaincre l'enseignant de changer sa note et de le menacer de l'expulser. J'ai connu une collègue prof de gym qui a un jour mis 0 à une élève car elle n'avait pas ses affaires de gymnastique (c'est assez courant de mettre 0 dans ces conditions, donc rien de neuf). Sauf que le père n' a pas accepté, a fait des recours et a en plus été fouiller sur le facebook de la collègue, a trouvé un post où celle-ci critiquait la ministre de l'enseignement, l'a fait envoyer à la hiérarchie. Résultat l'enseignante a été convoquée et a reçu un gros blâme (je n'ai pas suivi l'affaire donc j'ignore ce qu'elle a eu exactement). La Direction ne l'a jamais soutenue, ni pour la note ni pour le post facebook. Je trouve ça assez fou. Le film pointe aussi un rejet social (pour rejoindre le sort de Spinoza) puisque le héros semble autant mal vu par ses collègues que par d'autres intervenants lors d'une interview pour la radio.
Bref, un film pas inintéressant, qui témoigne bien des contradictions provoquées par l'évolution de la pensée.