Tout ou rien...
C'est ce genre de film, comme "La dernière tentation du Christ" de Scorsese", qui vous fait sentir comme un rat de laboratoire. C'est fait pour vous faire réagir, et oui, vous réagissez au quart de...
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10
Je n'ai pas vu beaucoup de King Vidor, mais ce n'est clairement pas ce film qui va me faire aimer cet auteur.
Première Guerre Mondiale. Son fils aîné décide de s'engager dans l'armée et meurt au combat. Steve obtient la nationalité américaine. Il décide de déménager à Detroit, et veut créer une voiture avec un toît en acier. Il y parvient, en retrouvant son parent Anton, qui lui avance l'argent. Steve devient un entrepreneur, à la tête d'une vraie chaîne de montage. Son fils Teddy entre dans son usine, mais veut commencer à la base. Il fait partie d'un groupe d'ouvriers qui veut se syndiquer. Steve ne comprend pas cette revendication, il soupçonne les ouvriers de vouloir le déposséder de son autorité, mais l'assemblée des actionnaires vote la reconnaissance du syndicat. Désavoué, Steve prend sa retraite en Californie, mais il s'ennuie. Le 8 décembre 1941, l'attaque de Pearl Harbor le sort de sa retraite dorée. Il se réconcilie avec Teddy et son ancien associé, et ensemble ils créent une chaîne de montage pour forteresses volantes. Le film se clôt sur une nuée de forteresses volantes qui vont probablement aller bombarder l'Europe ou Tokyo.
C'est donc le rêve américain : arrivé petit migrant inculte, tu peux en te remuant les fesses finir milliardaire, et ton fils peut devenir président des Etats-Unis. Il y a le passage sur les valeurs protestantes, quand le gamin demande à sa mère, en voyant une chenille devenir papillon, qui l'a créé, puis qui est Dieu.
Il y a beaucoup de passages didactiques sur l'industrie de l'acier, puisqu'en gros l'itinéraire du personnage suit la production complète d'une voiture, de l'extraction du fer à la chaîne de montage, en passant par la fonderie. Mais dans la deuxième moitié du film, ces séquences sur l'organisation fordiste du travail tournent quasiment à la pornographie, et la chaîne de montage de forteresses volantes, quand on sait les centaines de milliers de morts innocents que ces saloperies ont causées, alors qu'ici elles sont montrées comme une preuve de l'efficacité américaine, est tout simplement gerbant.
Mais dès le début, je ne me sentais pas trop à l'aise. Pendant tout le film, Brian Donlevy, l'acteur principal, parle avec un accent d'Europe de l'est à couper au couteau, et son côté mal dégrossi au départ (il est illettré, balourd, mais balourd comme un bon sauvage sortant de la forêt amazonienne hein ! ...) véhicule quand même pas mal de clichés d'une condescendance affligeante vis-à-vis des immigrés européens, qui ne savent même pas comment on mange une banane.
Et puis ce personnage bourreau de travail, qui ne comprend pas pourquoi ses ouvriers veulent s'organiser, est par moments terrible de niaiserie. J'étais plutôt surpris que le film donne une image positive des syndicats, c'est probablement un signe de l'union avec l'URSS, mais il y a quand même des indices que tout cela n'est pas sans arrière-pensée. Le discours du fils à sa remise de diplôme, sur la défense et la conservation de la démocratie sur le territoire américain, préfigure déjà la doctrine Truman, et au fond, si le film reconnaît la nécessité des syndicats, il les montre quasiment comme un mal nécessaire. Syndicats qui, en la personne du fils, sont les premiers à se rallier à l'union sacrée contre les Japs.
Le plus intéressant, ce sont les silences. Voici une Amérique où ne sévit pas du tout le crime organisé, et qui semble avoir passé l'entre-deux-guerres sans connaître de crise économique (on m'aurait menti ?). Une Amérique où le melting pot, le creuset, semblable à celui que fait manoeuvrer Steve, fonctionne à plein rendement, et crée à la chaîne à partir des immigrants des Américains millionnaires, qui se coupent sans regret de leurs origines européennes.
Bon, et au niveau de la forme ? Rien à redire, c'est fort bien joué, mention spéciale à Ann Richards, qui joue bien les différents âges de la femme (ce que toutes les actrices ne savent pas faire).
Voici donc un bon petit morceau de propagande. L'Amérique, en plein effort de guerre, se paluche et se rêve en pinacle de l'industrie humaine. Ha pouah ! ! !
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le 4 oct. 2015
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