Laissez les hurler
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le 23 août 2017
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-Ansi, vous pensiez me tromper! Vous pensiez pouvoir m'abandonner ici sans que je ne m'en rende compte. Mais voyez, moi aussi, je suis malin. Voilà pourquoi nous nous comprenons. C'est pour cela que vous avez vite compris que je voulais vous tuer. Hé hé hé! Nous nous comprenons si bien, mon ami, pas vrai?
-Oui, nous nous comprenons. Depuis le début... Je... vous aimais bien... et j'ai... pensé que vous aussi.
-Je ne vous aime pas bien, je vous adore, mon ami. Vous savez que je m'appelle Saul? Saul, mon ami. Et Saul aimait David. Mais Saul craignait David parce que le Seigneur était avec lui, mais séparé de Saul. Et le lendemain, l'esprit du mal se posa sur l'esprit de Saul. Et il fit des prophéties au milieu du Temple. Et David joua de la harpe avec ses mains. Puis Saul se saisit d'une lance. Et Saul projeta la lance. Hé hé hé! Et il dit : "Je transpercerai David, je le clouerai même au mur." Hé hé hé! Et David s'est soustrait deux fois à sa vue. Deux fois, mon ami... Mais la troisième fois... Il faut être prudent.
The Old Dark House de James Whale sortie en 1932 (adapté du roman de JB Priestley) est réputé pour être un classique horrifique gothique comique présentant un groupe de voyageurs se retrouvant prit au piège dans un manoir hanté par des cinglés. Une oeuvre assez étrange et insolente dans sa conduite. Un contexte huis clos installé dans une demeure propice à la peur avec un contraste ainsi qu'une histoire idéale pour livrer un sujet d'épouvante. Néanmoins, on est loin d'une expérience d'horreur terrifiante digne de ce nom, avec son niveau de seconds degrés qui allège le film. Le réalisateur Whale combine des éléments vraiment macabres avec des scènes plus ironiques que comiques, livrant une oeuvre insolite, et effrayante à la fois. Le problème étant que je ne suis pas sûr que l'aspect railleur des personnages pour certain caricatural et grotesque soit volontaire de la part du cinéaste.
Néanmoins c'est un divertissement extrêmement satisfaisant pour les amateurs du genre, à commencer par son rythme (faut dire que sa courte durée de vie de 1h09 aide pas mal). Sa technique époustouflante (pour l'époque) livre une ambiance cauchemardesque par des plans et des cadrages intelligents, dont une pallette de bruits sourds, des cris, des grincements, ou encore des pluies et des coups de tonnerre superbement sélectionnées. À ce titre les fans du travail de Whale vont adorer la mise en scène profondément sinistre. Une caméra jouant magnifiquement avec les ombres du feu de cheminée. La fixation et la réflexion des cadrages autour des mains des protagonistes sont géniales, notamment avec la première apparition du grand méchant du récit, qui pendant un moment ne laisse entrevoir que sa main aux doigts crochus. Des archétypes techniques gothiques de qualité. L'intrigue parvient parfaitement à s'articuler autour des mystères dormant à l'étage de la vaste demeure.
L'histoire commence par un couple : Philip (Raymond Massey) et Margaret Waverton (Gloria Stuart) ainsi que leur ami Penderel (Melvyn Douglas) n'ayant d'autres choix à cause d'une violente tempête que de quitter leur voiture pour se réfugier dans une sinistre demeure perdue dans une vaste campagne. Ils sont reçus par un étrange trio : l'effrayant, macabre, balafré et massif majordome Morgan (Boris Karloff), ainsi qu'un inquiétant duo frère et sœur, avec le frêle aux yeux globuleux Horace Femm (Ernest Thesiger) et la sourde et prolixe croyante Rebecca Femm (Eva Moore). Se détestant l'un et l'autre à cause de sombres secrets de famille entourant la maison dont ils font tout du long allusions, avec un inquiétant avertissement sur les néfastes conséquences qui pourraient arriver si le majordome venait à se saouler. Finalement, un autre couple également pris dans la tempête vient trouver refuge, avec Gladys (Lilian Bond) et Sir William (Charles Laughton).
Au fur et à mesure que la nuit avance, d'autres membres de la famille Femm apparaissent, jusqu'à ce que la tension arrive à son comble laissant finalement éclater la confrontation. Commence la fameuse poursuite opposant le majordome Morgan à Gloria Stuart (vêtu de sa fameuse robe de soirée laissant pleinement entrevoir son dos nu qui à l'époque a dû faire parler) dans des sombres longs couloirs avec plusieurs séquences de confrontations plutôt bien menées. Apparaît fatalement la véritable menace avec le dernier membre de la famille Femm "Saul" (Brember Wills). Psychopathe et pyromane au rire déséquilibré, Saul proposera un combat final contre Penderel efficace avec un joli préambule.
Une petite histoire d'amour vient légèrement plomber le récit, toutefois l'équilibre se fait grâce à une brillante distribution. L'art et la technique de l'aménagement perspectif de la scène par l'espace théâtral employé sont excellents. Le travail de caméra est inventif, livrant une ambiance glauque horrifique qui se conjugue plutôt bien avec les railleries, même si je pense qu'écarter le second degré pour se concentrer sur plus d'abomination aurait été plus bénéfique au long-métrage.
CONCLUSION :
The Old Dark House de James Whale est une oeuvre singulière présentant une floppée de personnages tordus dans un cadre profondément gothique avec sa sombre et monstrueuse maison. Un thriller horrifique insolent au climat aussi étrange qu'angoissant proposant une performance d'acteur solide et fragile à la fois.
Un ancêtre du genre maison d'épouvante distrayant à regarder.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Classement du meilleur au pire des films d'horreur dont j'ai fait une critique
Créée
le 1 mars 2020
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