Si Eurociné a la réputation d'être capable de produire le meilleur comme le pire, nul doute que ce film de Jess Franco donnera du fil à retordre à ceux, détracteurs indélicats ou apologistes unilatéraux, qui tenteront -comme à l'accoutumé lorsqu'il s'agit des films du bon vieux Jesus- d'un côté de l'encenser comme «l'aboutissement de son oeuvre», et de l'autre de faire de ce film étrange le modèle le plus abouti de la nullité absolue de ce réalisateur qui n'aurait jamais dû l'être. Comme on le voit en effet sur internet dans toutes les discussions à son sujet, il est toujours de bon ton d'avoir un avis tranché sur Franco: génie ou imposteur, tel est le maigre choix dans lequel le modeste amateur de ciné que je suis doit se positionner, un peu contre son grès, la rigueur de jugement d'un «camp» menant à la brutalité de celui de l'autre.
Pourtant, parler de Jess Franco et de sa Vierge chez les morts vivants devrait relever d'un exercice autrement plus palpitant que ce jeu de classification stérile. Pourquoi? Parce que ce film, comme la totalité des autres films de Jess, évolue dans une sorte d'espace intermédiaire, une sorte d'intermonde hallucinant dans lequel les positions binaires perdent leur sens.
Dans ce film, Christina plonge très rapidement dans ce monde de l'entre deux, ou les morts sont vivants et les vivants plus morts qu'eux, ou les fantasmes fusionnent avec des envies de souffrance, ou la peur devient synonyme de désir. Christina choisira la mort à la fin du film: elle donne son corps de vierge au marais en putréfaction, signant par cet acte symbolique un choix définitif, celui, non pas de mourir, mais de rester absolument en vie, dans ce château lui même au delà de la vie, puisque les morts y jouissent perpétuellement depuis des siècles: le château s'apparente une machine à libérer les fantasmes, à réunir les contraires, à produire un engrenage sado-masochiste, et ainsi à fuir la société et sa morale bourgeoise. Ainsi le château est en réalité une représentation symbolique du monde fantasmatique de Christina, et de tout à chacun.
Franco: un génie? Un imposteur? Rien de tout cela. C'est un expérimentateur solitaire qui produit un cinéma brut, fantasmatique à tout point de vue. Un cinéma qui tente de mettre en image la logique contradictoire des pulsions. Une vierge chez les morts vivants n'est ni du «bon», ni du «mauvais» cinéma: c'est une explosion d'image chargées d'énergétique psychique, selon l'expression consacrée de Jung. Ce film est par ailleurs saturé d'archétypes, mais çà c'est une autre critique...