Comment décrire le film ? C'est un dispositif. Et le dispositif, pas inintéressant en soi, a peu changé depuis le premier Unfriended: ce qui est montré est limité aux différents écrans (ordinateurs, portables) et aux fenêtres ouvertes de l'utilisateur. De même, les sons sont quasiment uniquement ceux des applications -- playlist Spotify etc -- ou captés dans l'environnement. Même si le réalisateur a parfois recours a des effets sonores ou de montages, qui s'écartent légèrement de ce cadre quand l'action peine à être ponctué. A ce moment là, le film quitte le domaine expérimental pour le bête film d'horreur.
Le principe qui guide la dramaturgie quant à lui est identique (est-ce vraiment un spoil ?): l'élimination progressive et sauvage des membres de la bande pendant que les autres crient de manière hystérique et surjouée.
Ce dispositif change peu d'un film à l'autre, si bien que c'est quasiment à un remake auquel on assiste. Le problème est donc plutôt l'histoire qui se déploie à l'intérieur de ce dispositif. C'est à dire pas grand chose. Le seul élément qui change véritablement est le méchant: engeance surnaturelle dans le premier, réelle dans le second et la faute originelle amenant la punition (et une certaine empathie envers ceux qui punissent) aussi: l'humiliation d'un pair vs le vol. Des pans entiers sont repris à l'identique: le choix impossible et pervers par exemple.
Pour ceux qui n'auraient pas vu le premier, cela peut constituer un attrait possible. Une curiosité.
Le problème est que comme pour le Projet Blair Witch, on se lasse vite du dispositif s'il n'est pas un peu rempli de morceaux consistants. Or, ici, qu'avons nous ? Un recyclage de quelques signes contemporains ( le piratage informatique, les bitcoins, les blagues à base de SWAT, le couple homo qui se marie, le Dark Net, les soirées jeux Cards Against Humanity en placement produit) et de vieux fantasmes (la traite des blanches, les réseaux de sadiques, l'intrusion, etc.) constitue la seule matière. Le tout parsemé du fond du panier des effets et des clichés du cinéma d'horreur.
Or, de ces éléments, les premiers semblent déjà datés et risibles à peine apparaissent-ils à l'écran, les seconds ont été bien mieux traités ailleurs (du plus gore Les racines du mal de Maurice G. Dantec, où il était déjà question de bidons et qui lui fout vraiment la frousse, au plus drôle: le film Game Night par exemple, à laquelle la fin fait penser, en passant par le plus con, Hostel par exemple, ou Assasination Nation). Le tout est ponctué d'un recyclage d'effets de montage du cinéma d’horreur -- attention, il est derrière toiiiiiiiiiii !!!! Le pseudo-réalisme de celui-ci, ou du moins la volonté de s'inscrire dans une sorte de réalisme, fait que cela passe beaucoup moins bien que pour le premier opus qui était un peu plus con. C'est plus construit, plus intelligent, moins cliché, mais paradoxalement, ça marche moins bien.
Cela nous occupe pendant une petite heure et demi qui parait assez longuette et vaine au final. J'en ressors avec quelque chose qui est plus proche du dégoût -- vis à vis d'une certain état du cinéma d'horreur US, de ma pratique de cinéphilie -- que du nourrissage. Je met ça sur l'effet "buffet asiatique à volonté", qui fait qu'on se retrouve parfois à mettre un peu n'importe quoi dans notre assiette. Il y a quand même, dans l'année, un certain nombre de films de genre qui, sur le fond et la forme, sont autrement consistants. Même un film un peu raté comme le remake de Halloween possède des moments de cinéma qui se révèlent bien plus excitants -- par exemple, la scène avec l'éclairage automatique; l'introduction; les citations -- que ces artifices légèrement bêtes.
Ceci dit, cette production n'est pas exactement mauvaise, elle est plutôt un peu vaine. Typiquement un cinéma de surproduction, de flux, qui vise à occuper l'espace.
PS: De manière incompréhensible, je suis allé voir ce film en salle. Et volontairement encore. Sans doute un effet de ces cartes illimitées,que je découvre, qui fait que le geste porte moins à conséquence, qu'on fait moins attention. Sans doute aussi que les critiques relativement favorables et complaisantes ont aidé dans ce sens. Mais qu'est-ce qui fait, bon sang, qu'à un moment la décision absurde d'aller là plutôt que vers Miraï ma petite sœur qui était dans la balance ce jour-là ? La paresse ? La défense d'une cinéphilie sans frontières, dans laquelle aucun genre n'est méprisable ? L'envie un peu snob de prendre le contre-pied d'un film un peu trop évident, trop Télérama après avoir vu Une affaire de Famille la semaine d'avant ? Le fait que les critiques, et pas les plus idiots d'habitude, étaient relativement favorables si l'on en croit Allo-Ciné ? Le fait que le premier opus, et Searshing a sa suite passaient pas si mal, vus sur un écran de télévision ? Le fait d'avoir une certaine frustration d'avoir loupé Hérédité et, dans une moindre mesure, Ghostland, en salle ? J'en ressors donc avec une intense frustration, encore accentuée par le fait que c'est le genre de film où l'on croise un public qui se croit seul sur son canapé: commentaires stupides, lumières des portables, agitation, popcorn. Un mauvais film c'est déjà pénible, mais dans un mauvais contexte, c'est encore pire. Je crains donc de ne pas être juste envers le film, ni avec les critiques étonnamment favorables qui m'avaient conduit ici.