Dernier documentaire du cinéaste autrichien Michael Glawogger, édité par sa monteuse Monika Willi sur la base des matériaux collectés pendant plusieurs mois d'un projet qui devait en durer 12. Avec deux collaborateurs responsables de la caméra et du son, il était parti à travers le monde sans attente particulière, sans contrainte, sans thème spécifique : le but était de "give a view of the world that can only emerge by not pursuing any particular theme, by refraining from passing judgment, proceeding without aim. Drifting with no direction except one’s own curiosity and intuition". Un projet alléchant de la part du réalisateur de Workingman’s Death, qui partait en décembre 2013 pour parcourir de nombreux pays, Hongrie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie, Monténégro, Albanie, Italie, Maroc, Mauritanie, Sénégal, Guinée-Bissau, Guinée, Sierra Leone et Liberia. Un parcours qui laissait imaginer un tour d'Afrique en commençant par l'ouest, mais qui fut brutalement interrompu avec la mort de Glawogger le 23 avril 2014, ayant contracté une forme sévère de malaria lors de la traversée du Liberia.
Le film, qui devait déjà à la base s'appeler Untitled, est donc une tentative de mise en forme sur la base d'images, de sons, et de notes laissées par le documentariste. Un film qui multiplie les lieux et invite à observer avec curiosité là où la caméra se place, en multipliant les inconnues. L'arbitraire devait faire partie du scénario original et se trouve retranscrit d'une autre manière par Willi au fil des échanges que l'on écoute, des captations brutes de séquences dont on ne saisit que les contours, comme une série d'anecdotes visuelles tirées d'un carnet de voyage. La voix off n'est pas toujours pertinente mais par contre à de nombreuses reprises elle se fait poétique, informative, et même poignante lorsqu'on apprend que Glawogger exprimait son désir de "devenir invisible" dans la ville de Harper, au Liberia. Des schémas apparaissent, des répétitions se forment, notamment ces paysages désertiques avec quelques personnes liées à des animaux. Des chercheurs (d'or, de diamants, ou de détritus), de la danse et des combats, des maisons dévastées par une énième guerre, des footballeurs unijambistes. Il n'y a pas de thématique particulière mais les vignettes défilent, parfois un peu trop rapidement, pour former une collection que l'on pourrait intituler "Jungle of Eden, Garden of Hell" à l'instar des derniers mots affichés. "The most beautiful film I could imagine is one which would never come to rest" disait Glawogger : celui-ci fut contraint de s'arrêter, mais on peut très naturellement en imaginer une suite infinie sur le même motif.
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