Si vous aimez les vers de terre, les p'tits cochons, les orchidées et les romances teintées de SF bizarroïde alors vous avez vraiment frappé à la bonne porte en choisissant de visionner "Upstream Color"!
En 2004, le réalisateur/scénariste/acteur/compositeur/monteur/producteur Shane Carruth (ce type est un couteau-suisse sur pattes) avait surpris les amateurs de SF indé en signant un des meilleurs films sur les voyages temporels de ces dernières années, "Primer", pour un micro-budget de 7000 dollars.
Comme son premier long-métrage, "Upstream Color" laissera sans doute 80% des spectateurs sur le carreau en prenant un malin plaisir à s'éloigner avec intelligence de tous les carcans mainstream actuels. Mais ceux qui resteront seront récompensés et fascinés. Car, oui, "Upstream Color" est un truc complètement fascinant ! Une sorte de trip sensoriel assez dingue où, si, bien sûr, la ligne narrative éclatée déstabilise parfois, on reste inévitablement scotché, émerveillé par la beauté de ce que Carruth est en train de raconter et surtout la manière dont il a de le faire.
Cette espèce d'ambiance contemplative destructurée qu'il met en place grâce à des vagues de plans très courts épouse parfaitement la perte de repères, de contrôle de ces deux personnages principaux inexorablement connectés par l'influence d'un étrange parasite dans un récit qui aime délivrer ses clés avec parcimonie (gardez en tête les mots "cycle" et "influence"). Cette romance mélancolique ainsi traitée par le prisme du fantastique deviendra paradoxalement la parfaite traduction réaliste de la fragilité des sentiments, des doutes et des inquiétudes qui en découlent...
Magnifiée par le travail sonore et la composition musicale de Carruth (SUBLIME !), cette quête des personnages pour retrouver leur propre individualité (et simplement un sens à la tournure de leur vie) face à l'influence d'une puissance supérieure gardera astucieusement quelques zones d'ombre laissées à la libre d'interprétation de chacun (par exemple, le "fermier", observateur des émotions humaines pour les transformer de manière artistique, a-t-il conscience d'être bien plus que ça ?)...
Enfin, notons la prestation absolument incroyable de l'actrice Amy Seimetz (devenue depuis la co-créatrice de la série "Gilfriend Experience"), un pilier incontournable de la totale réussite du long-métrage.
Beaucoup de monde y sera sans doute hermétique du fait de son caractère "ofniesque" mais ceux qui se laisseront tenter par cet "Upstream Color" vivront une véritable expérience cinématographique captivante et brillante comme on en voit rarement.
Vite, Shane Carruth, on attend le prochain maintenant !!"