"Upstream Color" pourrait être en tête du sondage "Les meilleurs films que les habitants de SC détestent parce qu'ils ne savent pas quelle note leur donner". En tout cas pour moi ce fut le cas depuis ma séance en août. Bloqué au moment de passer par ce passage obligé des petites étoiles, à tel point que j'ai décidé de me le refaire. Et là j'ai eu une confirmation : hors d'une salle de cinéma, cet OFNI perd une grande partie de son pouvoir d'hallucination tant les conditions d'immersion, devrais-je même dire d'enfermement et d'étouffement sont essentielles afin de vivre pleinement l'expérience voulue par Shane Carruth.
Alors plutôt que de me lancer dans une critique en bonne et due forme, je retranscris ici le message que j'avais envoyé à une amie à la sortie de la projection, ce sera finalement le moyen le plus fidèle de faire passer ce qu'est réellement ce film.
« Depuis hier je suis face à un dilemme : dois-je te conseiller un film que j'ai vu, et plus généralement est-il possible de conseiller un tel film ?
Je m'explique : il date de 2013, il a été à l'époque présenté dans divers festivals dont Berlin, Deauville, Sundance, mais n'a été distribué en salles qu'au RU et au Mexique, bien entendu dans un circuit plus que limité. Cette chose me titillait très très fort pour des tas de raisons que je ne vais pas détailler, afin de te préserver.
Et là il y a quelques temps, sorti de nulle part, je vois que le coquin déboule en France. Pourquoi sortir un tel film dans de telles conditions si ce n'est pour le tuer ? Je te laisse juge, je viens de regarder, il est sorti hier et aujourd'hui 3 salles art et essai en France le diffusent. Et même pas mon petit ciné fou. Mais les zinzins finistériens n'étant jamais avares de surprises, un autre cinéma dont je t'ai parlé au téléphone l'a passé hier. Je ne cherche même pas à expliquer ce phénomène étrange, j'en ai juste profité pour aller le dévorer.
Alors pourquoi tant de réserves, de frilosité quant à la distribution de ce film depuis sa naissance ? D'autant que son réalisateur-scénariste-dialoguiste-compositeur-producteur-acteur bénéficie d'une jolie réputation auprès des amateurs de cinéma bis depuis son autre film (datant de 2004 et qui avait déjà subi les mêmes désagréments de distribution).
Est-ce parce qu'il faut des conditions parfaites de visionnage, tant c'est une expérience sensorielle hors du commun ? Ou bien peut-être car on est hypnotisé ou éjecté dès les premiers instants ? Ah non j'ai compris : un trip SF poético-philosophico-romantico-mystico-arty serait-il en mesure d'effrayer le chaland ? Irait-on jusqu'à dire que le consommateur serait plus à son aise devant un film de super-héros pif-paf-boum-boum que devant l'enfant démoniaque de Cronenberg, MalickDeLaGrandeÉpoque et Weerasethakul ?
Coup de génie ou masturbation neuronale ? Choisis ton camp, camarade... »