Je reste plus que perplexe, l'impression d'un bel enfumage, Jordan Peele m'avait pourtant fait plutôt bonne impression avec Get Out où, malgré une troisième et dernière partie délaissant ses ambiguïtés, le cinéaste montrait de réelles qualités en terme de mise en scène et d'ambiance, qu'on retrouve évidemment dans Us, mais en ce qui concerne les ressorts scénaristiques et l'utilisation du sous-texte il y a de quoi balbutier quelque peu...
Le film commence malgré tout très bien (certains auront d'ailleurs sans doute remarqué la VHS de C.H.U.D. rangée à côté du téléviseur, petit clin d'œil au monde sous-terrain maléfique), où on nous présente une famille dans une fête foraine au bord de la plage, la gamine désobéit à sa mère pour s'éloigner et entrer dans une sorte de palais des glaces, restant effrayée par son reflet, sensé lui révéler son "soi-intérieur". La séquence réussit à placer une atmosphère pesante, sans musique, et surtout à directement nous immerger à travers le regard d'Adélaïde, que l'on suivra ensuite sous les traits de Lupita Nyong'o, pour vivre son traumatisme d'enfance et comprendre de ce fait la paranoïa qui l'habitera. Car une fois adulte et mère, revenue sur les lieux, elle redoutera que cet "malédiction" se perpétue sur ses propres enfants, que toutes les coïncidences qu'elle constate ne sont peut être pas dues au hasard, et c'est lorsqu'une famille étrange s'introduit sur leur propriété que le film est le plus captivant. On pense forcément à Carpenter avec ces figures figées dans l'ombre cherchant à s'infiltrer dans la maison, et encore une fois Peele démontre son talent de metteur en scène en jouant des mouvements de caméra, du clair obscur par des profondeurs de champ et surtout du son, rendant l'invasion et le mystère tout à fait efficace en terme de tension.
Ensuite je dirais que Us tombe un peu dans la facilité de la série B horrifique lambda, au delà de sa thématique miroir du doppelgänger, les confrontations s'enchainent et sonnent même comme des redites, d'ailleurs je m'interroge sérieusement quant à l'utilité de la famille voisine et amie de celle de Adélaïde, si ce n'est pour comprendre que les doubles ne sont pas exclusifs et que le phénomène est général, un prétexte pour meubler je dirais. J'ai commencé à ressentir de l'ennui, et pire, à saisir le petit manège de Peele, que j'avais déjà vu ces ficelles consistant à disséminer des indices par ci par là et surtout donner l'impression de vouloir mordicus arriver à un dénouement, de se dire "qu'est ce qu'il ferait ce con de Shyamalan ?". Car contrairement, par exemple, à un Under the Silver Lake où David Robert Mitchell balançait un nombre incalculable de signaux au spectateur, l'histoire se renouvelait et se surchargeait scène après scène, ordonnant un lâcher-prise pour apprécier se perdre, que dans Us tout paraît programmatique, que l'on sait que Adélaïde va retourner à la source et que le dénouement est déjà connu (c'est même dans un épisode des Simpson). Puis comme si ça ne suffisait pas Peele pète à moitié un câble avec ce montage alterné de trois espaces temporels lors de l'affrontement final, rendant sa mise en scène, jusque là plutôt habile, démonstrative et grossière, sans parler du symbolisme ô combien ridicule du lapin blanc d'Alice.
En ce qui concerne le sous-texte politique du film on comprend là aussi très bien les intentions, fonctionnant sur un microcosme à deux étages, où la classe aisée vivrait au dessus et les désœuvrés en dessous, avec comme référence historique la chaine humaine de 1986 visant à sensibiliser les consciences sur le problème de la faim et des sans-abri aux USA. D'accord, mais quel est vraiment le message que Peele veut faire passer au juste ? Car j'ai l'impression d'une vision biaisée de la réalité pour aller dans son sens, et là où je trouve qu'il fait une erreur c'est justement en instaurant des éléments tangibles dans son histoire, nous forçant à se rattacher au réel et (sans doute) à l'actualité, dans cet ordre je pense que le film aurait certainement mieux fonctionné en restant dans l'idée de faire un épisode rallongé de la Quatrième Dimension, se cantonnant à un univers détaché/alternatif pour, pourquoi pas, ensuite s'interpréter de telle ou telle manière. Car je trouve ça facile de venir chier dans les bottes de son voisin pour lui faire la morale, avec cet espèce de mépris de classe hypocrite, un peu comme Universal via Jurassic World: Fallen Kingdom qui va taper sur les multinationales, c'est tout de même un comble, même si j'imagine qu'il partait avec les meilleures intentions.
Déçu du résultat donc, mais quoi qu'il en soit je reste convaincu que Jordan Peele peut et pourra mieux faire à l'avenir pour redresser la barre du genre épouvante/horreur avec des types comme Mitchell, Aster ou Zombie, il en a le bagage et le talent, reste à corriger ces mimiques d'écriture usées jusqu'à la moelle qui n'intéressent plus grand monde en vérité. Et hâte de voir ce qu'il va faire avec Twilight Zone, qui après coup résonne comme une évidence, grâce au ciel les épisodes ne dureront pas 2h, nul besoin de meubler cette fois ci.