Critique rédigée pour Le Suricate Magazine - lesuricate.org
Initialement prévu pour une sortie en salles, Greyhound a fait les frais de la pandémie. Après avoir été une première fois repoussé, c’est finalement sur Apple TV+ qu’est sorti le film, racheté par le géant californien pour la – modique – somme de 70 millions de dollars. Un joli coup de filet pour la plateforme qui ajoute du même coup à son catalogue une belle production clé en main et un (très?) bon Tom Hanks, acteur principal et scénariste du film.
Sans crever l’écran, Hanks offre en effet une performance subtile à cheval entre assurance et naïveté, qui – pour peu qu’on se laisse emmener – nous plonge très vite au cœur du film. Le capitaine Krause, commandant de navire pour l’US Navy, et dont c’est la première traversée de l’Atlantique, prend vie à travers la prestation de l’acteur. Très vite, on se surprend à douter, à frémir et à triompher avec Hanks et son équipage, aux prises avec des ennemis aussi invisibles que terrifiants, les U-boots allemands. Incarnant plus qu’un simple soldat, Tom Hanks ajoute comme à son habitude un pan plus humaniste à son personnage, lorsqu’il fixe avec tristesse les nappes d’huile confirmant la destruction d’un sous-marin ennemi, tandis que son équipage exulte d’avoir abattu l’adversaire. Ses regards, son attitude et les moments de faiblesse qu’il insuffle à son héros font, sans verser dans l’excès, toute la justesse de son jeu.
Le reste du casting, tout en restant efficace, peine par contre à se démarquer. L’ensemble constitue une machine bien huilée, à l’image du navire, sans créer la surprise. Il en va de même pour les sous-mariniers allemands, bien plus convaincants lorsqu’ils constituent une menace indicible que lorsqu’ils sortent au grand jour. Anecdotique, la prestation d’Elizabeth Shue, épouse de Krause dans le film, n’apporte que peu au récit qui fonctionne bien mieux en huis clos fébrile qu’en drame de guerre mémoriel.
C’est heureusement vers ce premier axe que penche le plus souvent la réalisation d’Aaron Schneider. Sans révolutionner les cadrages, Schneider et son équipe de post-production réalisent le tour de force de nous immerger tout entier dans les cinquante heures glaçantes de la traversée du Greyhound, au milieu de l’Atlantique Nord. Les protagonistes, cloîtrés dans leur cage de fer à la fois protection et cercueil flottant, sont malmenés par les éléments de jour comme de nuit. L’utilisation des effets sonores dans ces scènes est dosée à la perfection, et l’on est pris en haleine par l’atmosphère anxiogène faite de sirènes, de sonars et d’appels à l’aide, sous la pluie et les embruns.
Les nombreuses scènes réalisées en effets spéciaux numériques, autant que les ambiances sonores, s’intègrent parfaitement à l’ensemble. Tour à tour, elles donnent son souffle épique au récit, contribuent à la tension, ou au contraire apportent la délivrance au spectateur. Les amateurs de film de guerre y trouveront amplement leur compte, sans une seconde de répit, à l’image du personnage de Tom Hanks, qui ne s’en accordera pas une avant la fin du voyage. Un rythme qui tient enfin grâce à la durée du film, à peine plus d’une heure et demie, et qui prend le parti de se concentrer sur l’épreuve vécue par ses protagonistes. Un choix bien dosé, rendant la traversée d’autant plus haletante pour le spectateur.
À l’arrivée, Greyhound n’est sans doute pas le film qui marquera l’année 2020. Mais la justesse de son ton, et l’efficacité de ses ambiances méritent que l’on y porte son intérêt, que l’on soit amateur du genre ou non.