Usual suspects est typiquement le genre de film dont le pouvoir de fascination ludique résiste mal à un second visionnage.
Et pourtant j’ai pu constater que le plaisir était toujours là, intact et même renforcé.
La première fois, j’étais resté sur ce cliffhanger fabuleux à la fin du film, et je m’étais dit que le souvenir de la fin du film sublimait le reste, qui me paraissait alors un peu commun.
Mais en fait, si le film a durablement marqué les esprits, c’est que tout tient la route. Il est admirablement construit, et si cette fin est si géniale, c'est parce que tout ce qui l’amène est du même acabit. Le récit est virtuose, il n’y a pas de temps morts, et surtout on y croit !
J’admets qu’en y réfléchissant à deux fois, on peut se dire qu’au final Keyser Soze a manqué son coup vu que tout le monde connaît maintenant qui il est et qu’il se fera peut être arrêter au prochain virage après la fin du film. Mais je pense qu’on peut démonter tous les films du monde en cherchant bien. Il faut se laisser porter par la virtuosité du scénario, par tous les nœuds du récit qui, en se déliant, font sens. Et c’est là tout le plaisir qu’apportent les films à énigmes comme celui ci (qui est un modèle du genre).
Les personnages sont très charismatiques, ils ont chacun une existence propre dans le récit. Signe que le scénario n’égare pas ses personnages en route. Tout le casting est impeccable (Byrne et Spacey en tête).
Singer n’est pas un cinéaste génial mais quand il est au service d’un scénario solide, sa mise en scène fait plus que le taf, il n’y a pas de temps mort et tout est d’une fluidité impressionnante dans les quelques scènes d’action qui jalonnent le long métrage (la scène du braquage et celle sur le cargo en tête).
La suite de sa carrière (aujourd’hui avortée par les affaires post MeToo) est assez inégale, entre le très bon Walkyrie, et des X Men aux qualités variables.
Mais sa filmographie est traversée par un thème qui revient inlassablement, celui de l’identité et de sa quête impossible. Etre un mutant dans un monde d’humains, dans X Men, être un résistant dans le régime Hitlérien dans Walkyrie, et ici être une légende qui n’existe que dans les yeux des autres(Keyser Soze) . Ça fonctionne aussi avec le personnage de Gabriel Byrne, un ex flic devenu ripoux, puis un ripoux qui ne s’assume pas.
Au final, ce film c’est un peu la définition du plaisir coupable au cinéma ! Et c’est encore meilleur quand on y revient.