Un film en quechua ! Ça ne peut pas se rater, ça. Moi qui ne jure habituellement que par les codes de narration hollywoodiens, je ne suis quand même pas incurable et je sais me laisser entrainer par une fable lente mais pleine de sens, comme celles de Los silencios (Colombie) ou de Viendra le feu (Galice). Et nous voilà au bout du bout du monde, en compagnie d'un vieux couple amérindien qui parle par phrases courtes et comptées, dans une cahute sombre et poussiéreuse, au milieu d'un paysage grandiose mais inhospitalier. On prend le temps de s'immerger dans leur quotidien immuable, où les rôles sont répartis de façon à assurer la survie des bipèdes du fin fond du désert. Madame s'occupe de la maison et d'aller chercher de l'eau, de plus en plus loin, tandis que Monsieur mène ses lamas à la pâture (champ de petits points noirs presque indiscernables sur fond de poussière ocre). Sisa et Virginio. Petit à petit, ils deviennent plus que ce couple qu'on jurerait promis à un musée de cire. Virginio aime les cailloux extraordinaires, ces pépites colorées qu'il trouve au hasard de ses déambulations sous la poussière du désert. Sisa aime que Virginio les lui rapporte. En fait, l'affection qui les unit est immense, et rend le particulier universel. Et puis surgit à moto leur petit-fils, et avec lui reviennent tous les enjeux familiaux périphériques à cet amour solitaire. Ça serait dommage d'en dire davantage. Cette histoire du bout du monde fait écho à bien des récits de Luis Sepúlveda et aux photos de son complice Daniel Mordzinski; à certains égards, elle m'a fait penser aussi à l'excellent Printemps, été, automne, hiver... et printemps. Elle nous emporte et nous ramène à la fois. Nous emporte vers des horizons spirituels presque oubliés (le petit-fils en témoigne) et nous ramène vers le cœur de l'expérience humaine, au point de rencontre entre le corps et les sentiments. Bref, une histoire essentielle, menée en toute simplicité, dont il serait dommage de se priver.

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le 27 nov. 2022

Modifiée

le 27 nov. 2022

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