Summertime fait défiler les cartes postales italiennes sans jamais en dire quoi que ce soit, si bien que les blessures intérieures du personnage principal, disséminées entre deux séquences touristiques, n’influencent ni la marche du récit ni la mise en scène, happée par le monumental et le pittoresque. La musique, pompière, écrase l’ensemble sous des thèmes dépourvus de charme et de légèreté. L’amitié entre une Américaine et un jeune orphelin vénitien, qui vit pieds nus, vend des cartes postales peu catholiques, fume et dort dans une gondole, rejoue le cliché du dévoiement sanitaire et moral de certains pays européens entretenu par l’Oncle Sam ; et le paradoxe tient alors à cet illusionnisme général qui exacerbe une certaine idée de la misère, typique elle aussi, en rectifiant l’indécent de sorte à assurer la vraisemblance auprès du public, alors même que la comédienne Katharine Hepburn a contracté une conjonctivite chronique en tombant dans l’eau du canal, préalablement filtrée par l’équipe du film !
L’hypocrisie de Summertime va jusqu’à faire tenir une caméra portative à son personnage, Jane Hudson, qui ferait basculer le long métrage du côté du documentaire si seulement chaque plan capté par David Lean n’était préalablement agencé, trafiqué, transformé. La lourdeur des mouvements de caméra s’avère aussi contradictoire, incompatible avec une telle démarche, occasionnant des séquences fluides dont la plus belle reste la marche à contre-courant de la foule en direction de la place Saint-Marc. Un réel savoir-faire, donc, mais à quoi bon ?