Luc,


Pour sûr, tu ne dois pas fréquenter ce site. Mais si cette humble missive devait un jour faire l'objet de ta lecture de réalisateur et producteur avisé, je te présente par avance mes excuses.


Car ce que je suis en train d'écrire ne te fera peut être pas totalement plaisir. Tout comme, certainement, les premiers résultats d'exploitation en terre US de ton nouveau film, Valérian et la Cité des Mille Planètes, doivent commencer à te rendre nerveux, ainsi que tes investisseurs bridés et autres bailleurs de fonds.


Tu en rêvais depuis très longtemps, de cette adaptation, comme tu le répètes en boucle dans chacun de tes passages télé depuis une semaine, pour bien s'assurer que tout le monde est au courant de la sortie de ton nouvel effort et que tu as, mine de rien, 197 millions d'euros sur les reins pour rembourser les coûts de production de ton jouet SF.


J'ai aimé ton cinéma, Luc, crois le bien. Je dois être un des seuls, par ici, à considérer ta Jeanne d'Arc comme un chef d'oeuvre, le sommet de ta carrière. Et dire aujourd'hui que j'y suis allé trois fois avec la même satisfaction et la même fascination tiendrait certainement, aux yeux de certains, du mauvais goût le plus ultime. Ils m'enfermeraient à coup sûr si j'osais affirmer que les derniers soubresauts de ton art étaient contenus dans Angel-A et le premier Arthur, très imparfaits, mais qui démontraient que tu étais encore derrière la caméra à cette époque là.


Car depuis, on jurerait qu'un sosie amputé a pris ta place, tant les films suivants sombraient de manière inexplicable. Loin des Léon, des Cinquième Elément, des Grand Bleu ou des Nikita d'antan. Même The Lady, ton film le plus sérieux, avait réussi à me faire éprouver un ennui poli. Mais cela, c'est certainement parce que ma cinéphilie bas du front laisse clairement à désirer.


Malgré tous ces ratés, Valérian avait réussi à susciter un certain intérêt. Peut être le désir, inconscient, de pouvoir renouer avec ta science fiction, celle que j'avais adoré dans Le Cinquième Elément. Car tu disais déjà, à l'époque, qu'il y avait certaines influences de la BD de Christin et Mézières dedans.


Il y a de cela, en effet, dans ton dernier film. Mais aussi du Star Wars, de l'Avatar, du John Carter, et a peu près tout ce qui a pu se faire ces dernières années en matière de science fiction. Ce qui fera penser aux plus chagrins que ton film fait office de gigantesque entreprise de recyclage. Toutefois, on se laisse embarquer dans la visite de la cité des mille planètes à laquelle tu nous invites, Luc. D'abord avec plaisir, sur fond de l'immortel Space Oddity de David Bowie, ou sur tes plages paradisiaques. Puis avec un certain émerveillement, quand tu nous fais traverser des univers colorés, pop et à la direction artistique cossue. Comme pour nous dire qu'en France aussi, on sait faire du space opera et des SFX.


Et puis, on se dit, à mesure que le film avance, que les badinages amoureux de ton couple vedette sont parfois trop présents, avant qu'ils ne reculent au second plan suite à la dramatisation de ton récit quand tu y évoques la situation terriblement actuelle des réfugiés. Mais il reste certaines longueurs, comme ces haltes dans des tripots et cabarets dignes d'Arthur et les Minimoys. Ou un trop plein d'explications pour t'assurer que le public familial que tu vises a bien tout compris au film.


Luc, Valérian et la Cité des Mille Planètes se laisse regarder, pas de doutes là-dessus. La preuve, j'ai été relativement satisfait. je me renseignerai même, certainement, sur le bouquin des coulisses du film, pour découvrir comment tu as donné vie à cet univers parfois magnifique, un brin rétro et enthousiasmant. Mais il est aussi la preuve de la convalescence du réalisateur que tu as été, et je suis le premier désolé de ce constat.


Car Luc, si on retrouve enfin une certaine forme de générosité de ta part, voire, tout simplement, une envie de cinéma, si tu offres quelque chose de relativement efficace, Ton Valérian montre aussi que tu as changé. Définitivement.


En effet, le Besson d'avant semble bien loin. Celui d'un cinéma "adolescent", parfois maladroit, mais immédiatement attachant car il y déployait, dans le même temps, une telle énergie, une telle sincérité juvénile que celles-ci suffisaient à effacer la plupart des défauts de son art. Celui qui livrait des personnages forts, iconiques, parfois immortels. C'est certainement le principal défaut de ton Valérian et la Cité des Mille Planètes, Luc. Aussi beau soit-il parfois, ou efficace dans certaines scènes d'action, on ne ressent plus ton envie juvénile, tes sentiments adolescents parfois débordants et incontrôlés. Même si c'est mieux que ta Lucy, Malavita ou encore ta Guerre des Deux Mondes tout simplement honteuse.


Mais c'est aussi rassurant, en un sens, toi que je croyais perdu pour la cause depuis une quinzaine d'années maintenant. Cela ne sera sans doute jamais assez pour certains de tes détracteurs les plus ardents, Luc. Même si tu ne seras sans doute plus jamais le même qu'à tes débuts, ton dernier effort semble la preuve que tu t'es engagé sur le chemin d'une certaine forme de guérison.


Allez, courage, les riants finiront bien par se taire... Si tu réussis à décrisper tes financiers.


En te souhaitant bon courage dans cette entreprise,


Behind_the_Mask.


PS : Aurais-tu, par hasard, gardé le numéro de téléphone de Milla, STP ?

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le 29 juil. 2017

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