Cher Luc,
Si tu tombais par hasard sur ma lettre, sache que j’en serai reconnaissant de savoir que tu l’as lue.
Il n’y a pas à tourner autour du pot longtemps, tu as pris pour habitude de chambouler les habitudes du cinéma français. Il n’y a qu’à voir déjà, à l’époque où tu avais sorti Le Cinquième élément, toute la presse française ne t’avait pas loupé, qualifiant au mieux de « divertissement survitaminé, héroïque et léger » au pire de « tout a été vu ailleurs en mieux. » (et c’est bien dommage). Pourtant, le public a été au rendez-vous, et pour ma part, je pense que ce succès public, tu l’as mérité.
Aujourd’hui, près de 20 ans plus tard, l’histoire se répète.
Je peux comprendre que ton film ne soit pas au goût des Américains, bons clients pourtant de ce type de productions. Je peux comprendre qu’ils pensent que ce n’est qu’une énième copie de tout ce qui a été vu en SF (alors que l’œuvre originale a été une source d’inspiration pour beaucoup de films). Je ne peux pas laisser passer que sur notre sol, les critiques s’en prennent à toi.
Parce que moi, j’ai été comme un gosse devant Valérian.
Ok, tout n’est pas parfait, certes ; mais c’est comme dans toute œuvre, il y a des aspects qui ne passent pas pour certains. On te reproche encore et toujours ton point faible, de ne pas développer suffisamment les personnages et la trame, de n’en faire, finalement, que du fonctionnel ? Soit. J’ai appris à vivre avec. Ok, on sent tes inspirations et références, mais elles sont plutôt bien dosées et suffisamment discrètes pour qu’elles ne sautent pas à la figure du spectateur. On te reproche d’avoir massacré l’univers de l’œuvre originale ? Bof. On sent depuis Le 5ème Élément que ça te démangeait de ne pas avoir encore eu l’occasion d’adapter ton œuvre fétiche. Et n’ayant pas eu la joie de lire chaque semaine les aventures narrées par Pierre Christin et Jean-Claude Mézières, ni de l’avoir découvert avant que je voie ta version de l’œuvre, je trouve que ton travail d’adaptation est réussi. Pourquoi ? Parce que tu m’as donné envie d’aller foncer chez mon libraire pour me plonger dans la bande-dessinée originale.
Et c’est d’autant plus rare qu’aucune superproduction basée sur un comic-book ou un roman n’avait réussi à me procurer ce plaisir, celui d’en découvrir plus sur cet univers que tu as brillamment mis en images. Et pour cela, Christin et Mézières devraient en être fiers.
Dès le début, l’univers qui nous est présenté est magnifiquement bien travaillé. Les décors sont riches, on jurerait voir évoluer de façon réaliste les cases de Mézières. La direction artistique globale, en elle-même, est du remarquable travail. Du côté des personnages, si l’on peut reprocher à Valérian ses traits un peu lourdingues, Laureline c’est du sans-faute. Les autres personnages sont suffisamment attachants pour qu’ils s’attirent notre sympathie. Mention spéciale à Bubbles, interprétée par une Rihanna qui décidément, a plus d’atouts qu’il n’y paraît.
Du côté de l’histoire, bien que ça perd en rythme au fur et à mesure qu’on s’approche de la fin, c’est assez complet pour éviter un effet de meublage, que je n’ai pas senti.
Et du début à la fin, je n’ai quitté les yeux de l’écran, tant l’expérience que tu as à nous offrir est surprenante.
Du côté de l'action, mon Dieu que j'ai été servi. Les scènes sont bien rythmées, dosées, visuellement époustouflants. On ne décroche pas et on suit avec assiduité nos deux héros dans leurs galères.
Tout ça pour dire que oui, à mes yeux, tu as réussi ton pari. Les Américains pourront dire ce qu’ils veulent, je m’en cogne. La presse pourra dire ce qu’elle veut, je m’en cogne également. A mes yeux, Valérian est réussi, et c’est ce qui compte. Et à en lire la récente interview des auteurs, il est également réussi à leurs yeux.
Toute œuvre trouve son public. C’était le cas pour le Cinquième Élément. J’espère de tout cœur que ça sera aussi payant pour Valérian.
De tout cœur,
Dominique.