Après l’hypnotique La féline, Tourneur rempile pour une leçon de mise en scène avec Vaudou, une fable fantastique aussi dense qu’elle est efficace. Exploité en à peine 1H10, son récit est d’une redoutable tenue, sans aucun bout de gras, d’autant plus passionnant qu’il ne dit que le strict minimum, et rarement à vive voix. Pour autant, son noyau thématique sait se faire clair, Tourneur conjugue à merveille la beauté formelle de ses séquences avec leur forte portée symbolique.


Son arme principale prend la forme de puissants noirs et blancs qu’il épuise sans économie afin de sculpter la nuit pour construire deux lieux que tout oppose. Le premier, la demeure familiale, une fois débarrassé de son mystère, au moyen d’une petite frayeur dans des escaliers peu éclairés, inspire la sérénité. Le second, tout l’inverse, symbolise l’inconnu, une entité locale qui se résume à une résidence spartiate située en marge de la ville, baignée dans des croyances obscures dont on craint la puissance potentielle. C’est l’oppression la plus totale inspirée par cette cahute baignée dans la magie noire, où tout espace est réduit à son strict minimum, où les corps s’animent plus que de raison, où les sons se font toujours plus stridents, qui permet au jeu assassin de Tourneur, fait de fausses apparences, de contradictions et d’un mystère jamais résolu, de mettre à mal le pragmatisme de la médecine moderne.


C’est par la complainte d’une guitare sèche omnisciente que le cinéaste provoque pour la première fois la rencontre entre les deux mondes, et déjà à ce moment-là, le vaudou local possède une longueur d’avance, renseigné qu’il est sur son alter-égo pragmatique qu’il se permet de mettre en boite. Ce personnage de médecin serein, qui semble être le plus équilibré de tous les non initiés, véhicule alors un message sans appel : funeste est le destin de l’esprit borné, certain de détenir la seule vérité, qui pense pouvoir dompter l’insaisissable. Et quand le mur de l’incompréhension frappe le défenseur de la logique, le monde s’écroule, le déni s’installe, l’alcool se fait solution.


Formellement inattaquable, résolument moderne dans sa façon d’invoquer le fantastique en jouant uniquement sur différentes perceptions d’une même réalité sans tenter une seule fois de l’expliquer, Vaudou est un film marquant dont on se remémore le cœur solide et les envolées visuelles à la simple évocation de son titre.

oso
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le 11 janv. 2015

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